Le droit de vote des étrangers, c’est pour quand ?

Depuis des décennies, le débat sur le droit de vote des étrangers revient régulièrement sur la scène politique française. Si cette question suscite de vives polémiques, elle interroge également sur la nature de notre démocratie et sur l’évolution des droits citoyens. Christophe Chabrot, professeur en droit public à l’Université Lyon 2, apporte un éclairage précis et novateur sur ce sujet clivant : la domocratie.

L’idée d’accorder le droit de vote aux étrangers lors des élections locales n’est pas récente. Cela faisait partie des 110 propositions de François Mitterrand en 1981, mais elle n’a jamais été mise en œuvre . Depuis, les différents gouvernements se sont relayés sans jamais concrétiser cette promesse. Pourtant, comme le souligne l’universitaire, cette mesure pourrait avoir un impact significatif sur l’intégration des étrangers : « Participer à la gestion locale est une revendication fondamentale pour toute population résidant sur un territoire. »

Repenser la démocratie locale

Christophe Chabrot propose une vision audacieuse et inclusive de la démocratie locale, qu’il appelle « domocratie ». Il en détaillait d’ailleurs la nature dans un entretien pour Médiacités il y a quelques années. « La domocratie, c’est le pouvoir des habitants, pas seulement celui des citoyens nationaux », explique-t-il. Ce concept repose sur une distinction claire entre la souveraineté nationale et la gestion locale.

« Lors des élections municipales, ce ne sont pas des questions de souveraineté qui sont en jeu, mais des problématiques locales. Les résidents, qu’ils soient étrangers ou nationaux, contribuent à la vie de la commune. Il est donc logique qu’ils puissent participer à ces décisions collectives ». Pour l’universitaire, cette approche renforcerait la légitimité des décisions locales et encouragerait une plus grande implication des résidents.

Un enjeu juridique et égalitaire

« Sur le plan juridique, rien ne s’oppose fondamentalement au droit de vote des étrangers aux élections locales. Il s’agirait même d’une évolution plus conforme au principe d’égalité », estime Christophe Chabrot. Les résidents étrangers paient leurs impôts, utilisent les services publics et contribuent à l’économie locale. Pourtant, ils sont exclus des instances décisionnelles.

Il critique également les arguments avancés par le Conseil constitutionnel, qui associe le droit de vote à la citoyenneté nationale. « Au niveau local, les électeurs ne votent pas en tant que souverains nationaux, mais en tant qu’administrés. Cela devrait inclure tous les résidents, quelle que soit leur nationalité », plaide-t-il. Cette exclusion repose donc sur des bases obsolètes et contraires à l’esprit d’une démocratie inclusive.

Vers une évolution politique courageuse

Malgré ces arguments solides, le droit de vote des étrangers reste un sujet sensible politiquement. Le paysage politique est tiraillé entre une droite identitaire et une gauche qui manque de courage sur cette question. La réforme n’est pas seulement une question juridique ou sociale, mais culturelle. Elle implique de redéfinir la notion même de citoyenneté en la liant davantage au lieu de vie qu’à la nationalité.

Il conclut avec un appel clair : « Si nous voulons une démocratie plus juste et plus inclusive, nous devons aller au-delà des blocages idéologiques et accorder le droit de vote à tous ceux qui participent à la vie de nos communes. » Avec une telle mesure, Christophe Chabrot estime que la France pourrait devenir un modèle d’inclusion des habitantes et habitants et donc de démocratie locale pour le reste du monde.

Réalisation et montage : Aïda Amara