La démocratie c’est comme les préservatifs

Et si la démocratie c’était comme les préservatifs ? Une minute, je vous explique : selon l’OMS les jeunes se protègent de moins en moins lors de leurs rapports. Une baisse globale de presque 10% de l’usage de préservatif ces 10 dernières années. Jusqu’à 30% des ados de 15 ans ayant déjà eu un rapport disent ne pas en avoir mis.

Les IST, infections sexuellement transmissibles font aussi leur grand retour selon Statista, et à tous les âges : on vous épargne leurs petits noms mais on compte entre 30% à 130% d’augmentation de cas selon les infections depuis 2015. Donc, en gros, plus personne ne se protège, et c’est dangereux pour la santé.

Et c’est là où vous me dites : mais Elliot, c’est quoi le rapport avec la démocratie ?

Et bien en fait, c’est que la démocratie comme la sexualité, protégée ou non, c’est une question d’éducation ! Et cette éducation, elle se fait normalement, et avant tout, pendant sa scolarité. Or, selon une enquête du collectif féministe #NousToutes, on est loin du compte. 87% des élèves en France auraient eu moins de trois cours d’éducation sexuelle sur toute leur scolarité. Alors que depuis 2001, la loi oblige à en dispenser 21, 1 élève sur 4 n’en auraient même jamais eu.

Difficile de parler contraception, consentement, violences sexuelles, IST ou encore de l’influence du porno en quelques heures… Et c’est un peu pareil pour la démocratie. Parce que la citoyenneté aussi c’est complexe. Ce n’est pas juste apprendre par cœur les trois chambres du Parlement, le suffrage universel et l’importance du vote… C’est pour ça que les élèves français sont censés avoir des cours d’EMC : Education morale et civique. Et dès la primaire. Mais, à l’image de l’éducation sexuelle, leur enseignement n’est pas évalué par les inspecteurs de l’éducation nationale. Et il n’y a pas d’examen « civique » ou « sexuel » pour les élèves.

La faute à qui alors ? Aux profs ?

Bah non, pour la sexualité et l’éducation civique c’est la même chose : les enseignants sont débordés par leur matière principale (la SVT ou l’Histoire-Géo) et des programmes monstrueux. Ils manquent aussi parfois de connaissances – car ils ne sont pas formés à ça au départ. Ils doivent donc s’informer eux-mêmes avant d’éduquer leurs classes.

Parce que, la matière elle est là ! Si vous regardez les programmes liés à la sexualité ou à l’éducation civique, sur le papier, c’est hyper dense et intéressant, évolutif et adapté en fonction de l’âge et du niveau d’étude. Pour la sexualité, ça va de la connaissance de son corps en primaire à la puberté, la contraception ou les cyberviolences au lycée. C’est riche !

Ce qui importe donc, c’est plutôt la place que donne l’Education nationale, donc le gouvernement au pouvoir, à ces sujets. Et donc ce que les partis en pensent et les médias en disent. Et là, on rentre dans le dur… la volonté politique !

L’extrême-droite, par exemple, monte depuis longtemps au créneau contre l’éducation à la sexualité : en bons réactionnaires, ils critiquent ces soit-disant incitations à la débauche, cours de genre « wokistes, LGBT, queero-satanistes« . Suivis par des collectifs de parents ou des associations réfractaires, l’opinion publique et donc avec eux une partie de la classe politique conservatrice. Alors quand on est prof, on fait quoi ? On arrondit les angles, on ne va pas trop loin dans les réflexions, on fait tout pour ne pas choquer. De toute façon, on n’a pas le temps, on n’est pas formé, et du coup, on ne va pas au fond des sujets.

C’est clairement pareil en éducation morale et civique : ces dernières années, depuis 2015 et la vague d’attentats, les enseignants sont incités à se focaliser sur une dimension très limitée de la citoyenneté : la laïcité et le respect des institutions en place. Exit l’esprit critique, l’éducation aux médias (sauf pour « déradicaliser ») ou l’engagement citoyen. Et ils le font parce que c’est moins risqué, qu’ils n’ont pas le temps et ne sont pas formés à ça.

L’éducation à la sexualité et à la citoyenneté ont pourtant besoin d’exister comme matières à part entière tant leur champ d’étude est vaste et important. Mais surtout, comme espaces de réflexion, de discussion et d’échanger. C’est crucial de repenser leur place dans l’enseignement comme le soulignait récemment Politis.

Une nécessité pour former des individus respectueux de leurs corps comme du corps social. Une génération apte à cerner ce qui dysfonctionne dans nos comportements sexuels ou politiques. Sinon, on va forcément continuer à se faire baiser.

Infographie : Elliot Clarke