Parité sociale : laissons leur place (politique) aux classes populaires

Alors que les ouvriers et employés constituent une part significative de la population française, ils restent sous-représentés dans les institutions politiques. Un groupe de militants, chercheurs et élus s’organise pour inverser la tendance et appelle à la parité sociale, à l’image de la parité hommes-femmes.

La faible représentation des classes populaires au sein de l’Assemblée nationale pose une question cruciale de démocratie. Ces catégories socioprofessionnelles représentent une part essentielle de la société française (44%). Ce constat chiffré est d’autant plus frappant que les classes populaires restent largement engagées dans les mouvements sociaux, associatifs et citoyens. « On l’a vu avec les Gilets jaunes ou encore le mouvement associatif des quartiers populaires » nous dit Kevin Vacher.

Cependant, malgré cet engagement, ces classes peinent à accéder à des postes de représentation politique. Pour Annie Lahmer, militante écologiste, la barrière culturelle et sociale est flagrante. Elle l’a, elle-même, vécu : « À la région, j’avais les jetons, je n’osais pas parler parce que je n’avais jamais parlé en public (…). Chez moi, il n’y avait aucun bouquin. On n’a pas tout ces codes-là. »

Démocratiser la politique (DLP) : une coalition transpartisane au service de la parité sociale

Face à cette inégalité persistante, une initiative inédite a vu le jour : « Démocratiser la politique » (DLP). Cette coalition regroupe militants, chercheurs et élus de tous horizons politiques. Leur objectif : poser la question de la parité sociale dans le débat public.

Kevin Vacher, l’un des initiateurs du projet, explique : « On s’est dit qu’il fallait prendre un temps pour nous écouter les uns les autres (…) et produire une analyse commune, mais aussi trouver des solutions et des préconisations pour obtenir une parité sociale. »

Pour cela, DLP a organisé des ateliers participatifs à travers la France, à Roubaix, dans l’Ain, à Marseille et en Île-de-France. Ces rencontres entre élus, chercheurs et/ou militants ont permis de mettre en lumière les obstacles concrets auxquels se heurtent les classes populaires pour accéder au pouvoir politique.

Un plafond de verre social en politique

L’initiative s’inspire des luttes féministes pour la parité hommes-femmes. De la même manière qu’il a fallu des lois pour garantir l’accès des femmes aux postes de représentation politique, DLP appelle à des mesures pour assurer la diversité sociale parmi les élus. L’objectif n’est donc pas de faire revenir les classes populaires aux urnes, mais de faire revenir le peuple parmi nos représentants.

Malgré les appels à la diversité, la réalité reste bien différente. On parachute parfois des candidats « étiquetés » dans les quartiers populaires pour afficher une diversité de façade. Mais ces derniers ne sont souvent pas élus. Annie Lahmer en témoigne :

« Arrêtez de prendre des gens des quartiers populaires pour faire beau sur l’affiche ! » s’exclame-t-elle. « On les met sur les listes, mais combien sont élus ? Très, très peu. »

Ces pratiques alimentent la défiance envers les institutions et creusent un fossé entre la population et le pouvoir.

Vers un rapport d’analyse et des préconisations concrètes

Pour aller plus loin, DLP s’appuie sur des données inédites collectées auprès du ministère de l’Intérieur. Kevin Vacher explique que ces données, compilées pour la première fois, permettent de mieux comprendre le profil des 2,7 millions de personnes qui ont candidaté à une élection au cours des 25 dernières années. Ces chiffres révèlent des disparités de représentation sociale au sein de la classe politique.

« L’objectif, en mettant la rigueur des sciences sociales au service d’un problème politique, c’est d’obtenir une analyse que personne ne peut contester », explique-t-il. Cette recherche aboutira à la publication d’un rapport prévu à la fin de l’hiver. Ce document dressera un état des lieux, proposera des pistes de solution et visera à constituer une coalition d’acteur-ices et d’allié-es prêts à agir pour la parité sociale.« 

Changer les règles du jeu politique

Pour Kevin Vacher et Annie Lahmer, le problème ne réside pas seulement dans l’engagement des classes populaires, mais aussi dans la manière dont la vie politique est structurée.

« Ce ne sont pas les classes populaires qui se détournent de la politique, c’est la vie politique qui pose problème », affirme Kevin Vacher.

Les militants appellent à des changements politiques profonds, structurants et structurels, afin de redonner aux citoyens la confiance dans la politique. À travers la parité sociale, il s’agit de faire en sorte que la société française soit représentée « jusqu’au plus haut niveau du pouvoir« , et de mettre ce sujet au cœur du débat public, à chaque élection.

La question de la parité sociale en politique ne se résume pas à un problème d’abstention électorale. Elle touche à la représentation de l’ensemble de la société au sein des institutions. L’initiative « Démocratiser la politique » se veut une réponse collective à ce défi démocratique. À l’image des luttes féministes pour la parité hommes-femmes, la bataille pour la diversité sociale dans la représentation politique est en cours. Si les obstacles sont nombreux, on espère que la publication de leur rapport contribuera à « rééquilibrer » la balance sociale en politique et à replacer le peuple au cœur de ses institutions.

Réalisation et montage : Elliot Clarke