Syndicats : une histoire de combats

Au début de l’année 2023, un appel à la mobilisation contre la réforme des retraites a été lancé par les principaux syndicats et suivi par plus d’un million de personnes. Malgré la forte protestation, le gouvernement n’a pas cédé et l’âge légal est décalé de 62 à 64 ans, au 1er septembre de la même année. Mais saviez-vous que depuis, les syndicats n’ont rien lâché et continuent de négocier avec les gouvernements successifs ?

Ces organisations participent activement à la vie démocratique en œuvrant pour le vivre-ensemble et en investissant les différentes luttes sociales. Mais depuis les années 1990, ces syndicats connaissent un taux d’adhésion très faible : autour de 10 %. Et plus les entreprises sont petites, plus le nombre de salariés syndiqués baisse. Mais la différence la plus flagrante est liée à l’âge : les moins de trente ans sont seulement 2,7 % à adhérer à un syndicat, alors qu’on est à 14,7 % chez les plus de 50 ans.

Ils se sont battus pour les gagner

Pourtant, leur rôle et leur force de frappe sont capitaux pour les droits des travailleurs et travailleuses, et les adhésions leur permettent d’avoir plus de poids dans leurs mobilisations.

Pour mieux comprendre les syndicats et l’importance de se syndiquer, il faut connaître leur histoire et celle de leurs combats. Pour cela, nous avons rencontré Mathilde Larrère, historienne et enseignante chercheuse à l’Université Gustave Eiffel. En août dernier, elle a publié « On s’est battu·es pour les gagner », un livre qui retrace l’Histoire de la conquête des droits en France.

« Les syndicats sont nés avant d’être autorisés« . Mathilde Larrère donne le ton. Si les patrons (industrie, commerce) ont déjà des chambres communes, les salariés, les ouvriers, eux, n’ont pas d’organisations collectives au XIXème siècle. Ils n’ont d’ailleurs pas le droit de créer leurs propres « chambres », ce qu’ils feront quand même, illégalement. C’est Waldeck-Rousseau, ministre sous la IIIème République qui légalisera les syndicats (1884) et les associations (loi 1901). Plus pour les contrôler que les protéger. L’un de ces syndicats existe d’ailleurs toujours ; c’est la CGT ! Une légalisation « forcée » qui permettra tout de même aux syndicats d’arracher nombre de droits sociaux après la Seconde Guerre mondiale. Une période où le parti communiste pousse dans ce sens et que la CGT compte presque un million d’adhérents. L’apogée de la lutte pour les droits sociaux.

Dans cette longue liste de combats pour les droits des travailleurs, on peut citer le droit à la retraite, les 5 semaines de congés payés, la semaine de 35h (et la journée à 8h), les conventions collectives, l’heure syndicale ou encore le dimanche férié. Toutes ces victoires résultent des luttes syndicales et très souvent de leur combat uni.

Vous l’aurez compris, le monde du travail en France ne ressemblerait en rien à ce que l’on connaît sans la mobilisation des syndicats au XXème siècle. Ce récit des luttes est important et se fait de plus en plus rare. Comme nous l’a dit Mathilde Larrère, ce n’est plus vraiment quelque chose que l’on apprend à l’école. Pourtant, il faut raconter les syndicats pour faire comprendre leur importance aux jeunes générations.

Travail atomisé, syndicats en danger

D’autant que depuis les années 90 et l’infusion mondiale du néolibéralisme, ces organisations, et les droits sociaux gagnés, sont en en danger. Les politiques au pouvoir s’attaquent aux droits syndicaux et à certains acquis sociaux. On réduit les instances de représentation syndicales, les échelons syndicaux quoi, et donc, de facto, les représentants du personnel (donc les syndiqués). On met également en concurrence ces délégués avec le reste des salariés qui doivent plus travailler qu’eux (car exemptés de certaines heures de travail pour leur « travail » syndical). Sans compter une « atomisation du travail » avec l’explosion des micro-entreprises et la multiplication des CDD qui fragilise ces organisations syndicales.

Mathilde Larrère décrit un pouvoir qui semble ne plus vouloir plier face à des revendications syndicales, prêt à s’asseoir sur les droits syndicaux et la démocratie. Elle alerte notamment sur une criminalisation nouvelle et préoccupante des représentants syndicaux. D’autant que les chaînes d’information en continu ne sont pas tendres avec les syndiqués, traités de privilégiés à longueur de journée. Si l’on ajoute à cela la charge économique que représente l’adhésion à un syndicat, on tient peut-être un élément de réponse sur le faible taux de syndicalisation depuis les années 2000.

Pourtant, dans une démocratie saine, il faut des organisations de représentation des travailleurs, et de leurs droits. Ce qu’essaie de montrer Mathilde Larrère dans son livre, en retraçant leur histoire, « on ne peut pas penser le vivre-ensemble sans syndicats de travailleurs« .

Réalisation et montage : Perrine Bontemps