Parité politique, où sont les femmes ? – 23/04/25
Depuis 1944, les femmes ont le droit de vote et celui de se présenter aux différentes élections. Mais si on vous dit femmes politiques, vous pensez à qui ? Hidalgo ? Pécresse ? Rousseau ? Malgré notre régime représentatif, les femmes ne sont pas si présentes en politique. Des lois sur la parité renforcent leur présence politique. Mais la parité, l’égale représentation, n’est toujours pas atteinte, voire régresse. Aujourd’hui, elles représentent 36 % des élus à l’Assemblée et au Sénat, ou encore près de 20 % des maires.
Pour tenter de comprendre, on a rencontré Léa Chamboncel, journaliste politique et fondatrice du média Popol, un média qui propose un regard féministe sur la politique. En 2022, elle publie « Plus de femmes en politique ! », un livre dans lequel elle interroge 59 femmes politiques, de différents bords, exerçant à différentes échelles et sur différents territoires. Pour aller vers plus de parité, il faut d’abord comprendre ce qui bloque.
Les élections avec scrutin de liste, comme les Européennes, sont souvent prises comme exemple : elles ont permis d’envoyer 49,6 % d’eurodéputées à Bruxelles. Les conseillers départementaux sont aussi parfaitement paritaires, et pour cause : il s’agit d’un scrutin binominal, et obligatoirement composé d’un homme et d’une femme. A l’inverse, aucune femme n’a jamais été élue présidente de la République. Et seulement deux ont été nommées Premières ministres : Edith Cresson et Elisabeth Borne. Mais alors, pourquoi en est-on encore là ? Pourquoi les femmes, qui représentent pourtant plus de 51 % de la population française, ne sont pas mieux représentées dans la sphère politique ?
« Au fil des interviews, j’ai été frappée par la similitude des expériences. Cette sous-représentativité est réellement systémique. C’est d’abord, et avant tout, du sexisme. » Léa Chamboncel, journaliste politique
Parmi les différentes raisons, Léa Chamboncel cite donc, notamment le fait que les instances et les partis politiques ne sont pas accueillants pour les femmes, voire franchement violents. En 2021, 300 femmes politiques ont d’ailleurs lancé le mouvement #Metoopolitique pour dénoncer l’impunité et la tolérance des violences sexistes et sexuelles (VSS) dans les institutions et les partis politique ainsi qu’un Observatoire des VSS en politique pour les mettre en lumière.
Politique et parentalité, inclusion refusée
Léa Chamboncel nous explique aussi que les femmes manquent de temps pour s’investir correctement dans ce milieu. Les décisions se prennent souvent sur le temps libre, plutôt que pendant les meetings/réunions officielles. Et les femmes ont plus de mal à se rendre disponibles sur ces temps « off », notamment lorsqu’elles sont mères, et d’autant plus lorsqu’elles sont en situation de monoparentalité. Des cas
« Il y a vraiment une culture et des codes virils. C’est assez marquant de voir à quel point c’est de plus en plus prégnant dans les instances politiques, en France ou à l’étranger. Il y a cette volonté d’imaginer le pouvoir politique comme quelque chose de très dominant et très excluant. » Léa Chamboncel, journaliste politique
La journaliste soulève également le problème de la représentation des femmes et l’importance des rôles modèles pour contrer cette culture politique masculine. Parce que, même quand les femmes accèdent au pouvoir, malgré tous les obstacles, elles sont cantonnées à des rôles très genrés. On leur attribue souvent le ministère de l’Education ou celui de la Culture. Léa Chamboncel prend aussi l’exemple des conseils municipaux où elles vont rarement être en charge des travaux publics.
Les lois ne suffisent pas à contrer le patriarcat
Accéder au pouvoir, c’est déjà difficile, mais y rester l’est tout autant. Léa Chamboncel explique à quel point les femmes ne sont pas les bienvenues dans ce milieu : présomption d’incompétence, violences, mépris. Et malgré tout ça, il faut rester soi-même. C’est tellement difficile de s’y maintenir, que beaucoup d’entre elles n’ont pas d’autres solutions que de composer avec les codes dominants, imposés par les hommes.
Pour tenter de contrer ce système, plusieurs séries de lois sur la parité ont émergé dans les années 2000. Ce sont elles qui exigent, par exemple, qu’un nom sur deux soit celui d’une femme dans les scrutins de liste. Ou que chaque parti présente autant d’hommes que de femmes aux élections législatives. Mais les résultats sont assez contrastés. Selon Vie Publique, dans les communes où la loi n’est pas contraignante, la parité est difficilement atteinte.
« Les lois sur la parité ont fondamentalement changé la donne. L’Assemblée nationale est l’exemple le plus parlant : on est passé de moins de 10% à près de 20% en quelques années. Ce qui était révolutionnaire, puisqu’on stagnait en dessous de 10% depuis des décennies. » Léa Chamboncel, journaliste politique
Les limites de ces lois sont atteintes pour les législatives, par exemple, car pas suffisamment efficaces selon la journaliste. Entre les partis politiques qui préfèrent payer une amende plutôt que de présenter une liste paritaire, et ceux qui contournent le système en inscrivant des femmes dans des circonscriptions non gagnantes. Malgré ces lois sur la parité, la représentation des femmes en politique n’est toujours pas satisfaisante, ni acquise. On peut même constater un recul à l’Assemblé nationale ces dernières années…
« J’ai vu assez peu d’indignation à cet égard. (…) C’est passé un peu en-dessous des radars, comme si ça n’était pas vraiment un problème et que la parité était acquise à partir du moment où on avait mis les lois en place. » Léa Chamboncel, journaliste politique
Aux législatives de 2022, le nombre de femmes à l’Assemblée Nationale a reculé d’un point, et ce nombre a encore reculé en 2024 pour atteindre 36%. Et les lois n’ont pas prévu une telle régression.
Alors, comment faire mieux ?
Même si Léa Chamboncel s’en inquiète, il existe des solutions. Selon elle, il faut que la place des femmes en politique redeviennent un élément central des campagnes, comme c’était le cas avant 2022. Ensuite, il faut que les partis politiques soient exemplaires en ce qui concerne la lutte contre les VSS, au sein même de leurs instances. Ainsi, ils deviendraient des endroits qui donnent envie de s’y investir en tant que femme. Les médias doivent également donner plus de visibilité aux femmes politiques. Enfin, il faut lutter contre les violences en lignes, où les femmes sont des cibles privilégiées du cyberharcèlement. Le chemin est donc encore long mais il existe pour que les femmes soient complètement acceptées en politique.
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Vidéo : Perrine Bontemps // Article : Flavie Roussel