Wplace : communautés pixellisées

Le monde est en train d’être redessiné, à coups de pixels ! Et ce n’est pas la première fois ! La « Pixel war » avait fait beaucoup de bruit sur Reddit et Twitch en 2022 et 2023 lit-on dans Numerama. Elle revient cette année sur une carte mondiale lancée par Wplace. En vous inscrivant, vous pouvez ensuite dessiner, avec la terre entière, pixel par pixel. Et, au-delà de trouver ça très cool, c’est aussi assez dingue en termes de démocratie.

L’édition de cette année se passe sur une grande carte du monde et est donc beaucoup plus politique qu’avant : il suffit de zoomer sur Israël pour être submergé de messages de soutien à Gaza et de se balader en Ukraine pour y trouver des messages de paux. Une fresque numérique qui montre l’attention des gens pour ces conflits meurtriers.

D’autres combats se dessinent aussi sur cette carte : des messages anti-trump sur la ville de Washington, où le Président américain a récemment déployé la garde nationale. On retrouve aussi des drapeaux transgenres sur la maison de JK Rowling pour critiquer sa transphobie notoire comme l’explique très bien Libération.

Victoire de la pop culture

Enfin, beaucoup de drapeaux et de références culturelles, montrent les identités multiples qui « s’affrontent » dans nos sociétés. Marseille où OM et Ricard côtoient les insultes au PSG. La Bretagne et son drapeau noir et blanc. Une grande fresque de la Commune sur Paris. Malheureusement, on retrouve aussi des conflits et idéologies problématiques sur cette fresque incontrôlée : des croix gammées apparaissent, rapidement recouvertes, des symbôles fascites ou royalistes, la colonisation « fictive » du Maroc par l’Espagne…

Heureusement ce sont quand même les références à la pop culture ou les blagues qui dominent. Une fresque mondiale qui en dit surtout long sur notre faculté à créer ensemble, quel que soit le but. Jouer à la « Pixel war », tout seul, n’a que peu d’intérêt. Vous serez vite limités par votre nombre de pixels attitré, 60 toutes les 30mn. Un travail de fourmi pour écrire votre message à une échelle visible. Ce qui ne vous empêchera pas d’être vite noyé dans les œuvres collectives.

Pour exister sur Wplace, il faudra donc faire avec les autres, se mettre d’accord sur une œuvre, s’y tenir, l’élaborer, pas à pas et la défendre face aux « trolls » qui viendront la détruire. C’est le fait de collaborer qui donne son importance à nos petites actions, l’envie de construire collectivement, de dénoncer des horreurs ou de porter avec fierté des messages. Preuve qu’avec de petits pixels, on peut faire de grandes choses. Si tant est qu’on avance à plusieurs.

Mobilisation citoyenne virtuelle

La récente Histoire d’Internet nous l’a prouvé. En 2022, année phare du jeu, tous les streamers français s’étaient battus, avec leurs communautés, pour que le drapeau français, la tour Eiffel, Zidane ou le Louvre restent sur la petite fresque partagée par le monde entier. Un combat titanesque à retrouver sur les chaînes Youtube de streamers comme Kameto, le « général » de cette bataille numérique. Les streamers se sont mobilisés jour et nuit et leurs communautés ont su se coordonner autour d’un projet commun. Un bel exemple de mobilisation citoyenne pour défendre leur vision de l’identité française. Preuve que la culture populaire, à l’image du manga, peuvent inspirer les jeunes générations, comme on vous en parlait dans notre dernier Filmocratie.

Cette année, la carte de Wplace est donc, à nouveau, un tableau en temps réel de nos imaginaires mais aussi de notre capacité à collaborer et à décider, ensemble. Une belle leçon de « jeu collectif » pour dessiner ensemble le monde de demain.

Réalisation et montage : Elliot Clarke