Lobbying citoyen : des réseaux à l’Élysée

Miel Abitbol est une influenceuse aux quelques 3 millions d’abonnés, tous réseaux confondus. Et si beaucoup de ses contenus sont surtout divertissants, elle milite également pour la santé mentale des jeunes. Une cause qu’elle porte également dans une application, Lyynk pour soutenir une génération en détresse. On trouvait intéressant de mettre en avant son profil mais aussi l’histoire de son « lobbying citoyen » : un parcours depuis ses stories, sur ses réseaux, jusqu’au bureau d’Emmanuel Macron et de ses ministres. Un travail de plaidoyer difficile compte tenu de la crise politique gouvernementale.

Une influenceuse invitée à l’Élysée pour parler santé mentale, ça vous parle ? L’histoire date de début juillet. Miel Abitbol avait interpellé le Président de la République quelques mois auparavant sur TikTok, ne pensant pas recevoir de réponse. À sa grande surprise, Macron lui répond dans la foulée et l’invite à venir en parler à son équipe, lors d’un colloque dédié, durant l’été. Le parcours de lobbying citoyen de cette jeune femme de 19 ans nous semblait original et inspirant.

Miel est la cofondatrice de Lyynk, une application et une fondation dédiées à la santé mentale des jeunes, aux côtés de son père, Guirchaume Abitbol, et du Docteur Claire Morin, chef de service en psychiatrie. Cette application a pour but d’accompagner les jeunes utilisateurs au quotidien, mais aussi de faire le lien avec leurs parents ou un adulte référent. Les fondateurs constatent que les jeunes ont souvent du mal à exprimer leur mal-être, voire leur détresse, aux adultes. Ils postulent que favoriser ce lien, c’est donc œuvrer pour une meilleure prévention.

Sa santé mentale, elle en fait son combat

Si ce sujet est au cœur de l’engagement de Miel Abitbol aujourd’hui, c’est parce qu’elle-même a été concernée par des périodes de détresse psychologique étant plus jeune. À travers son application, mais aussi ses prises de paroles publiques, l’influenceuse espère pouvoir faire entendre sa voix, mais aussi celle d’une génération toute entière. Elle espère, qu’enfin, les pouvoirs publics prennent des mesures concrètes pour prendre soin de la santé mentale des jeunes.

Elle continue depuis cette époque de publier des vidéos courtes d’encouragements et de soutiens aux jeunes de sa génération. Des messages qui touchent des centaines de milliers de gens et l’ont incité à prolonger son combat. D’autant qu’elle avait déjà essayé d’alerter Macron, sur Instagram, quelques années plus tôt, après une tentative de suicide. Sans retour de sa part. Elle y parlait déjà des conditions d’hospitalisations, du système de santé, du suivi des jeunes. En 2025, C’est en voyant les annonces de l’Éxécutif en 2025 sur ces thématiques, confortée par son audience et ses proches, qu’elle reprend la parole.

Même si Miel n’a pas attendu les ministres pour avancer, elle a bien conscience qu’il va falloir actionner certains leviers politiques pour faire bouger les choses. Son application sert de pansement à un problème plus large de société. Et c’est de ce combat qu’elle s’est faite, un peu malgré elle, porte-parole. Un rôle qu’elle a déjà endossé plusieurs fois. Elle a, d’abord, été auditionnée à l’Assemblée nationale, en 2024, pour un colloque organisé par le SNU. Elle a également été convoquée, avec son père, pour être entendue lors d’une commission d’enquête le 1er octobre 2025. 

La commission d’enquête sur « les défaillances des politiques publiques de prise en charge de la santé mentale et du handicap et les coûts de ces défaillances pour la société » l’interroge. Elle y parle longuement de son activité de créatrice de contenu, mais aussi de son application Lyynk. Mais l’influenceuse a surtout porté les témoignages de ses abonnés, qui se sentent pour la plupart incompris, auprès des décideurs politiques. 

Le chaos politique lui fait obstacle

Cette audition, c’était aussi l’occasion pour la cofondatrice de Lyynk de présenter des mesures qui lui semblent essentielles pour la santé mentale des jeunes, notamment dans le milieu scolaire : des outils anonymes pour signaler les violences et le harcèlement, la création de comités bien-être, un repos santé mentale de quelques demi-journées par mois sur recommandations de médecins/psychologues, ou encore, une refonte du système scolaire pour mieux préparer les jeunes de demain. Mais elle doute que ses recommandations puissent aboutir à de réels changements, au vu de la situation politique actuelle.

L’argumentaire est limpide et livré avec la simplicité rafraîchissante d’une jeune qui veut changer les choses. Sans naïveté ! Miel Abitbol est bien consciente du coût humain de ce mal-être des jeunes mais aussi de son coût financier pour le système de santé qu’elle a, elle aussi, traversé. Des gens qui « ne vont pas travailler ou être en phobie scolaire » pointe-t-elle, inquiète avant de clôturer nos échanges en rappelant une implacable réalité : « les jeunes, c’est l’avenir de demain » et leur santé c’est donc aussi un peu celle de notre société.

Réalisation et montage : Perrine Bontemps / Article : Elliot Clarke