Lyes Louffok : L’enfer des foyers en moteur

Portraits d’engagés #3 – Lyes Louffok milite depuis ses 17 ans pour les droits de l’enfant. Un combat qui prend ses racines dans son propre parcours à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Des années terribles, parsemées de violences et de maltraitances qu’il a raconté dans un livre, Dans l’enfer des foyers. Une histoire qui l’amène, depuis plusieurs années, à la vie politique. De victime à porte-parole.

“La passivité de nos responsables politiques a été pour moi un élément déclencheur de mon engagement politique.” L’indifférence de l’État vis-à-vis des enfants placés et son propre parcours à l’ASE ont servi de moteur à Lyes Louffok.

Dès la naissance, Lyes a enchaîné les familles d’accueil. Certaines, aimantes, la plupart violentes.

Quand à 10 ans, il atterrit dans un foyer pour mineur, il traîne déjà beaucoup de traumatismes. Il y découvre alors la violence institutionnelle exercée par les professionnels, mais également des violences sexuelles qu’il subira d’autres enfants plus âgés du foyer. Un jour, une autre enfant met fin à ses jours. Pour Lyes, c’est le déclic. “Soit je finissais comme Cindy […] soit au contraire je sortais les crocs.” Lyes fugue, à répétition. Un appel à l’aide ignoré par les adultes qui renforce son sentiment de colère et d’injustice. “Je [me suis rendu] suffisamment détestable pour qu’ils ne veuillent plus de moi.”

Invisibilisé, ignorés, voire méprisés

Avant de changer de foyer, Lyes rencontre enfin une éducatrice qui prend le temps de l’écouter et il comprend qu’il n’est pas seul à avoir subi ce parcours traumatisant. Au fil des années, la plupart de ses amis finiront, d’ailleurs, à la rue, en psychiatrie, ou en prison. Des destins qui passent inaperçus. Même sur internet, il ne trouve aucun témoignage d’enfants placés. “”

À 17 ans seulement, il signe donc chez Flammarion et écrit Dans l’enfer des foyers. “Mon militantisme a vraiment commencé là.” Les médias s’en saisissent à sa sortie deux ans plus tard.

Si les politiques ne font rien, je le ferai à leur place

Il attire alors l’attention de Christiane Taubira, alors ministre de la Justice. Puis de Laurence Rossignol, fraîchement nommée secrétaire d’État en charge des personnes âgées et des familles. Avec cette dernière, ils font promulguer la première réforme de la protection de l’enfance en 2016.

La même année, Lyes Louffok est nommé au Conseil national de la protection de l’enfance. Il a 22 ans et peut déjà contribuer à l’élaboration des politiques publiques, tout en ayant des interlocuteurs directs. Il essaie également de défendre la participation citoyenne des enfants dans les décisions collectives. Par exemple, la défense du droit de vote à 16 ans dont on vous parlait dans une autre vidéo.

Mais ce n’est pas suffisant pour le jeune militant. Lyes se présente donc à deux élections législatives, sous la bannière du NFP. S’il n’est pas élu, il reste déterminé à agir pour le sort des enfants placés. “Si les responsables politiques ne veulent pas le faire, on le fera à leur place.”

Réalisation et montage : Perrine Bontemps / Article : Justine Kouassi