Élu local, statut bancal

Depuis 2020, plus de 2200 maires ont démissionné de leurs fonctions. C’est quatre fois plus que sur le mandat 2008-2014. Face à ce phénomène, certaines petites communes ont du mal à trouver des candidats à la mairie et certains conseils municipaux restent peu fréquentés. Une fragilité des maires qui vient avant tout du statut, encore mal défini, des élus locaux.

Dans le dernier épisode, on vous expliquait déjà qu’être élu local, ce n’est pas considéré comme un métier : ils ne sont pas rémunérés mais indemnisés pour leur engagement. Et la somme ne permet pas toujours de finir le mois, ce qui explique que bon nombre d’élus locaux travaillent en parallèle ou sont à la retraite.

Pourtant, les maires ont de nombreuses responsabilités sur les épaules et, pour beaucoup, ne comptent pas leurs heures. D’autant que ces responsabilités sont couplées à des manques flagrants de budget pour financer certains projets. L’État cherche à faire des économies pour réduire la dette, et diminue chaque année un peu plus sa contribution au financement des collectivités. Ainsi, leurs recettes sont réduites, par différents moyens : le projet de loi de finances 2026 prévoit une baisse estimée entre 4,6 et 8 milliards d’euros note la Fondation Jean Jaurès, quand elle était déjà de 2,2 milliards en 2025. 

Des maires en première ligne

Un effort qui leur semble disproportionné, puisque la dette vient bien plus des dépenses du gouvernement que de celles des collectivités. Quand l’endettement des collectivités n’a progressé que de 10 milliards d’euros depuis 2017, la dette de l’État a augmenté de 880 milliards.

Cette situation financière contraint les mairies à faire des choix budgétaires, dont certains sont vivement contestés rappelle Mediacités. A Toulouse, par exemple, les associations s’insurgent des coupes dans leurs subventions. 

De plus en plus d’élus locaux décrivent un isolement grandissant, notamment vis-à-vis des services de l’État qui ne se déplacent que rarement sur leurs territoires respectifs et répondent peu à leurs sollicitations. Ils sont les élus préférés des Français, avant tout parce que ce sont les plus accessibles. Mais ils n’échappent pas à la défiance générale envers les politiques. S’il n’est pas possible d’interpeller les ministres ou le Président, les élus locaux, eux, sont en première ligne.

Et cette proximité peut devenir lourde à porter pour certains, notamment dans les petites communes. Ils sont fréquemment arrêtés par les habitants de la commune pour toutes sortes de plaintes et de critiques, même dans leur vie privée. Quand ça ne va pas plus loin. Le ministère de l’Intérieur rapporte une hausse de violence envers les élus : 250 agressions recensées en 2024, soit 6 % de plus que l’année précédente. Et 82 % concernent des élus locaux. 

Nouvelle loi, nouveau mandat ?

Une généralisation de la violence qui en pousse certains à prendre le large. En 2023, Yannick Morez, l’ancien maire de Saint-Brévin (Loire-Atlantique) a subi une attaque à domicile rapporte France Bleu : deux véhicules stationnés devant son domicile sont volontairement incendiés. Depuis plusieurs mois, il était la cible de groupuscules d’extrême droite, opposés à un projet de centre d’accueil pour demandeurs d’asile. À la suite de cette attaque, il se dit peu soutenu par l’État. Il démissionne donc et quitte la commune.

Les mairies sont affaiblies par ces violences physiques et budgétaires mais aussi par le désengagement de l’Etat. 

Face à ce désenchantement croissant des maires, le Parlement vient de voter un réel statut pour les élus locaux. Sont validés : la revalorisation des indemnités, en particulier dans les petites communes ; une meilleure protection des élus et la prise en charge de certains frais liés à l’exercice du mandat ; mais aussi un accompagnement, notamment financier, en sortie de mandat. Ces mesures, suffiront-elles à raviver l’engagement local en 2026 ?

Peut-être qu’il faudrait changer la manière de gouverner localement ? Dans le prochain épisode, on verra comment faire mairie autrement avec les citoyen-nes.

Réalisation et montage : Perrine Bontemps