Le Planning familial face aux attaques – 03/09/25
Il y a quelques mois, on vous parlait des difficultés qui traversent le monde associatif, avec Claire Thoury, la présidente du mouvement associatif. Et le Planning familial est en plein dedans. Avec ses 80 antennes, la structure informe et accompagne sur les questions de santé sexuelle, d’accès aux droits et d’émancipation. Mais, alors que l’association est plus que jamais essentielle pour garantir les droits et rendre compte des réalités du terrain, elle fait face à de multiples difficultés : financières comme politiques. Pourtant, depuis bientôt 70 ans, l’association féministe agit de manière significative sur tout le territoire.
Chaque année, pas moins de 500 000 personnes sont accueillies dans les centres du Planning familial et des interventions d’éducation à la vie affective et sexuelle sont organisées auprès de 150 000 jeunes. Malgré ces actions considérables et d’intérêt public, l’association dénonce des attaques de plus en plus importantes.
Sarah Durocher, présidente du Planning familial à l’échelle nationale, nous a aidé à comprendre les enjeux et les dynamiques qui se cachent derrière, et surtout l’importance de pouvoir poursuivre leurs missions.
« On a des menaces évidemment et puis, des attaques directes contre les antennes du Planning : des vitrines qui sont attaquées, des intimidations téléphoniques et ça, c’est quelque chose qui s’accélère depuis deux ans. Et puis depuis quelques mois, on a aussi des coupes budgétaires qui sont annoncées. » Sarah Durocher, Présidente du Planning familial
La Présidente du Planning familial est catégorique : le monde associatif est ciblé pour ses actions. Et le Planning, pour ses positions sur le droit à l’avortement, l’émancipation et les droits des femmes ou des personnes trasngenres, est aux premières loges. Ces attaques se ressentent particulièrement à l’échelon local où les baisses dans le budget étatique aux collectivités légitiment de couper les vivres aux associations.
C.E.R et coupes budgétaires pour les faire taire
Le Parisien retrace, par exemple, une coupe de 10% du budget de l’association dans le Loiret en avril dernier. Mediapart a également enquêté dans la Drôme où le Planning mais aussi des CSS (centres de santé sexuelle) ont vu leurs subventions chuté de 20%. Le phénomène essaime dans les départements où sont implanté les antennes du Planning et obligent l’association à adapter ses actions.
« On a des actions qu’on fait moins bien évidemment, ça a des conséquences directes pour les personnes. Je pense par exemple à des actions de permanences en milieu rural. Ce sont des actions qui sont évidemment hyper fragilisées. » Sarah Durocher, Présidente du Planning familial
Les premiers à souffrir de ces coupes et attaques, ce sont les premiers concernés : les bénéficiaires du Planning. Et si les collectivités se cachent souvent derrière les choix budgétaires liés à la crise économique, pour Sarah Durocher, le message est également extrêmement politique. On demande au Planning familial, comme à tout le monde associatif de respecter le Contrat d’engagement républicain (CER). Un document à signer pour toute aide publique et qui oblige l’association à la « neutralité » et au « républicanisme ». Des adjectifs nébuleux qui ne répondent pas au mêmes réalités en fonction des élus qu’on a en face.
Un procès, même gagné, faut pouvoir l’encaisser
Et c’est tout l’enjeu pour l’association : continuer sa mission d’utilité publique, donc avec des financements publics, alors que les collectivités leur tournent le dos.
« On exerce des missions qui sont définies dans la loi. On milite donc au Planning pour que ce soit l’Etat qui finance ces missions-là. Ces baisses de subventions, ça nous oblige pourtant à se tourner vers les financements privés. C’est un changement de culture, un changement de stratégie. C’est surtout de l’énergie qu’on ne met pas autre part. » Sarah Durocher, Présidente du Planning familial
Cette énergie, le Planning doit également la mettre dans les procédures judiciaires à leur encontre. Car, avec le contrat républicain, ce sont aussi des procès qui leur sont intentés. Le cas typique, mais pas isolé, que nous raconte Sarah Durocher, c’est l’affaire du 8 mars 2022 à Chalon-Sur-Saône : une affiche du Planning représentait une femme voilée, ce qui n’a pas plu à la mairie. Résultat : annulation du prêt de matériel et de local et demande d’interdiction de leur manifestation pour « communautarisme », invoquant le CER. Le tribunal administratif saisi à l’époque avait finalement statué en faveur du Planning familial, comme le raconte Le Monde.
Leurs journalistes font pourtant le même constat que Sarah Durocher : le CER sert de plus en plus à museler les associations qui déplaisent au pouvoir politique, particulièrement dans les collectivités où la Droite réactionnaire et l’Extrême droite gouvernent. Et si Sarah Durocher nous rassure en disant que le Planning familial continue à mener la majorité de ses actions, elle ne peut s’empêcher de penser aux plus petites associations qui n’ont pas leur réseau ni leur trésorerie. De quoi museler le tissu associatif dense pourtant si essentiel aux respect des droits, à la solidarité ou à la santé quand l’État vient à manquer.
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Réalisation et montage vidéo : Perrine Bontemps / Article : Elliot Clarke