Sénat : ces « inconnus » qui votent nos lois

Avec les changements successifs de gouvernements, on n’a jamais autant entendu parlé du budget 2026. Et les débats à l’Assemblée sont très médiatisés : taxe Zucman, réforme des retraites en tête. Le budget de la sécurité sociale vient de passer, sans vote global, aux sénateurs. Et là, il se passe quoi ? Beaucoup moins médiatisé, on a voulu remettre à plat ce que veut dire Sénat. Et surtout mieux comprendre qui constitue cette 2ème chambre parlementaire. Et spoiler : ce n’est pas très représentatif.

Pour comprendre le va-et-vient politique, il faut se pencher sur le fonctionnement et la composition du Sénat. On en entend assez peu parler dans les médias. Pourtant, son rôle est complémentaire de celui de l’Assemblée nationale. C’est l’une des deux chambres du Parlement et elles ont globalement les mêmes rôles : voter et modifier les lois, en proposer de nouvelles, mais aussi, contrôler l’action du gouvernement. En gros, pour qu’un texte soit adopté, il fait des va-et-vient entre le Sénat et l’Assemblée, jusqu’à ce que les deux tombent d’accord. Et s’ils tombent jamais d’accord, Vie publique nous rappelle que c’est l’Assemblée qui a le dernier mot.

Grands électeurs : Des élus élisent des élus

Si on entend moins parler du Sénat que de l’Assemblée, c’est peut-être parce que les sénateurs ne sont pas directement élus par les citoyens. Il s’agit d’une élection au suffrage universel indirect. Un « petit » collège d’un peu plus de 160 000 « grands » électeurs s’y attaque. On y retrouve les sénateurs et députés de la circonscription, les conseillers régionaux et départementaux du département en question, mais aussi les maires et conseillers municipaux. Plutôt que de représenter directement les citoyens, les sénateurs portent donc la voix des élus locaux, des territoires.

En tout, ils sont 348. Contre 577 députés. Ils sont élus pour 6 ans, mais il y a des élections tous les 3 ans. Oui oui, c’est logique : à chaque élection, seulement la moitié des sénateurs est renouvelée. L’institution est pensée comme garante d’une certaine stabilité, donc le renouvellement de moitié permet une continuité dans les travaux en cours. Ils ne sont jamais repris de zéro. Et, en plus, contrairement à l’Assemblée, le Sénat ne peut pas être dissous.

Et attention, info bonus sur le président du Sénat : si Macron devait quitter ses fonctions en cours de mandat, c’est lui, donc Gérard Larcher, qui assurerait l’intérim en attendant une nouvelle élection présidentielle.

Ils ont en moyenne… l’âge de la retraite

Et en soi, pourquoi pas, le problème réside surtout dans sa composition. Public Sénat a dressé le profil sociologique des sénateurs après les élections de 2023. Niveau parité, on peut mieux faire car c’est pareil qu’à l’Assemblée : 36 % de femmes élues. Mais, contrairement à l’Assemblée, le Sénat n’a jamais été présidé par une femme… Pour creuser sur ces enjeux de parité politique, on a récemment interrogé Léa Chamboncel, autrice de « Plus de femmes en politique » et spécialiste du sujet.

La moyenne d’âge ne rattrape pas le coup, sans trop de suspense. Elle est quasi à 60 ans (contre 50 à l’Assemblée). Et attention, le Sénat n’a jamais été aussi « jeune » s’enthousiasme difficilement France Info ! Avant les élections de 2023, la moyenne était de 62 ans et 9 mois.

Enfin, du côté des catégories socio-professionnelles, là aussi, on peut faire mieux… Les ouvriers ne sont pas élus au Sénat. Alors qu’ils représentent 19 % des travailleurs. On y trouve majoritairement des cadres, des professions judiciaires et libérales, des fonctionnaires, des enseignants, etc. Mais aussi, 4.6 % de professions agricoles, alors qu’ils ne représentent qu’1,5 % de l’emploi en France. Sûrement parce qu’ils sont déjà surreprésentés chez les élus locaux, du fait du nombre important de communes rurales dans l’Hexagone. Et vu que ce sont les élus locaux qui élisent les sénateurs…

LFI n’y est même pas représenté

Enfin, s’il y a bien une chose qu’on entend souvent à propos du Sénat, c’est qu’il est orienté à droite. Et c’est vrai ! Le groupe politique majoritaire, c’est Les Républicains, avec 130 sièges. Et au total, ce sont près de 230 sénateurs qui sont classés à droite ou apparentés à la majorité présidentielle. Autrement dit, 66 % du Sénat.

Face à eux, le principal groupe d’opposition compte 65 élus en grande partie issus du PS. S’ajoute à cela un groupe communiste et un groupe écologiste. En tout, les sénateurs de gauche sont au nombre de 98, soit 28 % de l’hémicycle. À noter aussi qu’LFI n’a pas de représentation au Sénat.

Donc si on résume : le Sénat, en plus d’être très marqué à droite, est un entre-soi élu par des élus, qui ne représente donc pas vraiment la société. Et cerise sur le gâteau : il ne peut pas être dissous et prend le pouvoir en cas de départ précipité du Président. Évidemment, son action est contrôlée, comme celle de l’Assemblée, mais on est quand même en droit de se demander : de qui défend-il réellement les intérêts ?

Réalisation et montage : Perrine Bontemps