Agora Brussels : en Belgique, le tirage au sort s’impose

Et si nos représentants politiques étaient tirés au sort, comme les jurés d’assises ? Cette question est au cœur de l’initiative Agora Brussels, un mouvement politique citoyen qui vise à réinventer la démocratie par la participation citoyenne. Pepijn Kennis a été élu au Parlement régional bruxellois en 2019 et Michaël Damman membre du mouvement Agora font le bilan d’un tel mandat citoyen.

« L’idée d’Agora est née en 2018, autour d’une table, comme beaucoup de bonnes choses en Belgique », explique Pepijn Kennis. Inspirés par des exemples de conventions citoyennes et motivés par le potentiel du tirage au sort pour représenter la diversité sociétale, les fondateurs d’Agora ont conçu un système où des citoyens participeraient directement à la décision politique.

« Nous voulions créer un espace où des Bruxellois tirés au sort pourraient délibérer sur des sujets importants, en dehors de la logique de carriérisme politique », ajoute-t-il.

Une représentation innovante

Pour donner un poids réel à ces assemblées citoyennes, Agora a décidé de présenter une liste aux élections régionales de Bruxelles. « Nous avons remporté un siège, ce qui a permis de nommer un député à la fois porte-parole et exécuteur des recommandations des assemblées citoyennes », explique Pepijn Kennis.

Ce siège, occupé par Kennis lui-même, est unique en son genre. Chaque décision prise par Agora Brussels repose sur les résultats des assemblées citoyennes organisées tout au long de la législature. Ces assemblées, composées de citoyens tirés au sort, ont ainsi traité de thèmes variés allant du logement à l’énergie.

Des délibérations inclusives

Le processus délibératif est central chez Agora. « Nous commençons chaque assemblée en disant : chaque participant est expert de sa propre vie et de celle de ses proches. Cela leur donne l’assurance que leurs contributions sont valides et essentielles », explique Michaël Damman.

Au fil des assemblées, les participants s’informent, discutent et formulent des propositions. Par exemple, l’une des assemblées a examiné des lois en attente de vote et a permis aux citoyens de prendre position. « Cela permet d’éviter le sentiment de déconnexion entre les décisions politiques et la réalité quotidienne », précise-t-il.

Des résultats tangibles malgré ses limites

Si les propositions des assemblées citoyennes ne sont pas toujours adoptées, elles influencent les débats parlementaires. « Même lorsque nos propositions ne sont pas votées, elles sont souvent reprises sous une autre forme », explique Kennis. Un impact assez limité aux vues du processus démocratique interne aux assemblées. Seulement quatre grandes thématiques auront été traitées pendant le mandat. Pour le reste, Pepijn se sera abstenu, ce qui aura eu le don d’énerver ou de faire sourire ses collègues parlementaires.

C’est aussi pour cela qu’Agora Brussels se distingue également depuis 5 ans par son travail de plaidoyer. Un engagement à interpeller les ministres et à poser des questions parlementaires. « Cet outil nous permet de mettre certains sujets à l’agenda et de provoquer des débats, même au-delà de notre influence directe », ajoute Pepijn Kennis.

Une ambition nationale

Fort de cette expérience, Agora prévoit de se présenter aux prochaines élections fédérales belges. « Notre objectif est d’élargir ce modèle au niveau national pour transformer des institutions comme le Sénat en véritable assemblée citoyenne », explique Pepijn Kennis.

Pour Agora, il s’agit d’un pas de plus vers une démocratie plus participative et inclusive. En introduisant la culture de la délibération dans les instances de décision, ce mouvement espère répondre au désengagement citoyen et redonner confiance en la politique.

De Brussels à toute la Belgique ?

En cinq ans, Agora Brussels a démontré que des citoyens tirés au sort, avec un bon processus délibératif, peuvent délibérer sur des sujets complexes et influencer les politiques publiques. « Nous avons montré que la participation citoyenne n’est pas seulement possible, mais nécessaire », conclut Michaël Damman.

Reste à voir si ce modèle peut grandir et inspirer d’autres régions belges. Agora Belgium transformera-t-il l’essai ? Réponse lors des élections nationales belges de juin 2024.

Réalisation et montage : Elliot Clarke