Médias : Et si les proprios c’était nous ?

La concentration des médias en France est un phénomène bien connu. Des figures comme Vincent Bolloré, à travers son empire médiatique, contrôlent des groupes tels que Canal+, Europe 1, le Journal du Dimanche, et de nombreuses maisons d’édition. Cette domination s’étend aux manuels scolaires, aux livres de poche, et à une part significative de la presse écrite et audiovisuelle.

Face à cette hégémonie, des initiatives alternatives tentent d’émerger. Parmi elles, la Coopérative Citoyenne Coop-médias, lancée en octobre, incarne une nouvelle voie pour soutenir les médias indépendants.

Plutôt que de créer un nouveau média, les fondateurs de Coop-médias ont opté pour la mise en place d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Ce modèle permet de rassembler autour de la même table des acteurs variés : des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS), des médias indépendants, des citoyens, des ONG et des coopératives.

« Au départ, on s’est demandé si on devait créer un média, mais on a vite évacué cette idée« , explique Lucie Anizon, directrice générale de la coopérative. « Il existe déjà plein de médias, portés par des gens dont c’est le métier. Notre objectif était de trouver un véhicule juridique qui nous permette de rassembler à la fois des acteurs de l’ESS, des médias indépendants et des citoyens engagés.« 

Contrairement à une SCOP (réservée aux salariés) ou à une coopérative de consommateurs (où seuls les clients participent), la SCIC intègre toutes les parties prenantes intéressées par le projet. Chaque sociétaire, qu’il soit citoyen, organisation ou média, peut acheter une part sociale de 100 euros et dispose d’une voix au sein de l’assemblée générale, indépendamment du nombre de parts détenues.

« Ce qu’on voulait, c’était vraiment permettre à toutes les parties prenantes d’avoir une voix au chapitre« , précise Lucie Anizon. « Pas uniquement les salariés, comme dans une SCOP, mais aussi les ONG, les journalistes, les coopératives, les lecteurs et les citoyens concernés par la liberté de la presse.« 

Un financement participatif au service de l’indépendance

Le financement de Coop-médias repose sur des levées de fonds permanentes. Depuis le lancement en octobre, la coopérative a déjà collecté environ 250 000 euros, réunissant près de 800 à 900 sociétaires. L’objectif est ambitieux : lever 2 à 3 millions d’euros la première année.

« On a lancé le 9 octobre, et aujourd’hui, on a déjà collecté 250 000 euros avec près de 900 sociétaires« , se félicite Lucie Anizon. « C’est un bon début, mais on a des ambitions importantes, avec une collecte permanente qui nous permettra de soutenir les médias sur le long terme. L’objectif est d’atteindre 2 à 3 millions d’euros dès la première année.« 

Ces fonds sont ensuite investis pour soutenir les médias indépendants à travers divers projets :

  • Soutien financier direct aux médias : subventions et aides économiques.
  • Mise en commun d’outils : mutualisation des ressources pour réduire les coûts de fonctionnement de chaque média.
  • Visibilité et communication : mise en avant des médias indépendants via une newsletter, un portail web et une revue spécialisée.
  • Plaidoyer et éducation populaire : sensibilisation sur l’importance des médias indépendants au sein de la démocratie.

« Notre ambition n’est pas de renforcer les médias pour eux-mêmes, mais de renforcer un pilier démocratique essentiel, à savoir l’indépendance des médias« , insiste Lucie Anizon. « Il ne s’agit pas de faire pour les médias sans eux, mais de construire ce projet avec eux.« 

Les capitaux collectés sont placés et génèrent des intérêts. Ce système de « capital-investissement » permet de financer les projets tout en assurant une rentabilité du capital initial. À terme, l’objectif est d’atteindre l’autofinancement complet de Coop Médias et de la presse indépendante.

« Les fonds collectés ne dorment pas« , assure Lucie Anizon. « Ils sont placés sur des comptes qui génèrent des intérêts. Ces intérêts permettent de financer des projets et de soutenir la presse indépendante sans entamer le capital initial. Ce modèle de capital-investissement est au cœur de notre stratégie d’autofinancement.« 

Un projet au service de la démocratie

Le projet Coop-médias ne vise pas seulement à renforcer les médias pour eux-mêmes, mais à solidifier un pilier essentiel de la démocratie : l’indépendance de la presse. En tissant des liens étroits avec des acteurs de l’ESS, des ONG, des citoyens et des médias indépendants, la coopérative veut rétablir l’équilibre face à la domination des grands groupes de presse.

« On a été très bien reçus par la communauté des médias indépendants« , affirme Lucie Anizon. « De nombreux médias nous ont rejoints et d’autres nous contactent chaque jour. Notre approche est collective : on est venus avec un projet déjà pensé, mais on a laissé la place à la co-construction avec eux.« 

Grâce à cette démarche participative, Coop-médias réunit déjà une « belle brochette de médias indépendants », selon Lucie Anizon. « Chaque acteur n’est pas là pour défendre ses intérêts propres, mais pour défendre ensemble la cause de l’indépendance des médias« , précise-t-elle.

Ce modèle inspiré d’autres secteurs de l’ESS, comme l’énergie ou la mobilité, pourrait bien devenir un modèle de référence pour l’avenir des médias libres. « On peut prendre exemple sur des initiatives comme Enercoop, qui regroupe des consommateurs, des producteurs d’énergie et des partenaires dans son conseil d’administration« , explique Lucie Anizon. « Aujourd’hui, Enercoop a 100 000 clients et lève chaque année 3 à 4 millions d’euros. Nous voulons suivre ce chemin et faire de Coop-médias un modèle durable.« 

Si vous souhaitez participer, soutenir le projet ou simplement en savoir plus, il est possible de devenir sociétaire de Coop-médias pour un montant minimum de 100 euros. Une initiative accessible à tous, qui permet de défendre une information libre et indépendante, à l’abri des grands empires médiatiques. Un pas que MOB a déjà franchi !

Réalisation et montage : Perrine Bontemps