Droit de vote à 16 ans : écoutons les jeunes – 16/12/24
En France, la population est vieillissante et ce n’est pas un scoop. Les plus de 70 ans représentent près de 16 % des habitants, soit l’une des tranches d’âge les plus importantes. À l’inverse, les jeunes, donc les 18-29 ans, sont moins nombreux : autour de 14 %. Et parmi eux, seulement la moitié s’est rendue aux urnes pour les législatives anticipées de juin dernier. Chez les plus âgés, 80 % se sont mobilisés.
Mais alors, pourquoi est-ce qu’on laisse les plus vieux décider en grande partie de notre avenir ? Et quelles leviers d’engagement dans les urnes pourrions-nous imaginer ?
Ce ne sont pourtant pas les personnes âgées qui vont devoir en subir les conséquences sur le long terme. Au hasard, les conséquences de la crise écologique. D’autant que, d’après la Défenseuse des droits, Claire Hédon, les enfants sont les premières victimes du dérèglement climatique. C’est pourquoi elle encourage à écouter et intégrer les plus jeunes aux débats environnementaux.
Ce qui rejoint l’idée de l’UNICEF, qui préconise, dans son dernier rapport, d’intégrer les jeunes mineurs dans les prises de décisions politiques. Et pour ça, la mesure phare, c’est l’abaissement du droit de vote à 16 ans en France (pour les élections municipales et européennes dans un premier temps). Chose qui a déjà été faite chez certains de nos voisins européens : la Belgique, l’Allemagne, la Hongrie, Malte ou encore l’Autriche. Le Parlement européen s’est d’ailleurs emparé du sujet, en demandant à tous les États membres d’envisager le droit de vote à 16 ans, pour garantir l’équité entre tous les citoyens.
Avant le droit de vote, c’était pour les hommes de plus de 21 ans
Pourquoi, alors, ça ne se met pas en place chez nous ? Ce n’est pas la première fois que l’idée vient sur la table, elle est pourtant vite balayée par les politiques en place. Comme pour la prise en compte du vote blanc ou le droit de vote des étrangers (aux élections locales encore une fois), ils ont peur que le vote des 16-18 ans change la donne politique (et qu’il soit plus radical).
Ça a aussi été le cas par le passé : pour le droit de vote des femmes, jusqu’à son adoption en 44, ou l’abaissement de l’âge minimal de 21 à 18 ans en 1974. Toute société met du temps à accepter le changement.
Et puis pour le moment, on nous dit « oui mais les jeunes, ils votent pas de toute façon, pourquoi en rajouter ? ». Alors certes ils s’abstiennent plus que leurs aînés, mais comme le rappelle Salomé Saqué dans son livre « Sois jeune et tais-toi », ce phénomène a toujours existé depuis la mise en place de la démocratie représentative. Nos grands-parents votaient donc également moins quand ils étaient jeunes.
Et puis surtout, comme le pointe l’UNICEF, les données sur la participation politique des mineurs sont peu nombreuses. La catégorie des jeunes est plutôt floue, souvent délimitée aux 15-29 ans, et ne permet donc pas d’analyser spécifiquement les données pour les moins de 18 ans.
Des lycéens perdus politiquement mais pas désengagés
Les premières années de votant sont marquées par une découverte de la politique, il faut prendre le temps de s’y intéresser, de comprendre, de se faire son opinion. C’est pas facile, surtout si on est seuls… Moi la première, je n’y comprenais pas grand chose quand j’étais au lycée, et même un peu après.
Donc, les intégrer dans la vie démocratique dès que possible permettrait de les accompagner dans le cadre scolaire, et de développer leurs connaissances des institutions, de leurs droits, du fonctionnement politique… en renforçant les cours d’éducation morale et civique, par exemple (on vous en parlait déjà dans un édito précédent).
Parce que bon, pour le moment, les lycéens ils ont l’air un peu perdus… D’après un rapport scientifique cité par l’UNICEF :
- un élève de Terminale sur quatre n’a pas du tout, ou peu, confiance dans le système démocratique
- près de 4 élèves sur 5 déclarent faire peu, ou pas du tout, confiance au gouvernement.
- seuls 13 % des élèves de Terminale font confiance aux partis politiques.
Dans son livre, Salomé Saqué démonte plein de clichés sur les jeunes justement, des clichés qui empêchent à la société de les prendre au sérieux. Parmi toutes ces idées reçues, il y a celle disant que les jeunes ne sont pas politisés. Alors que des figures comme Greta Thunberg ou Manès Nadel comme les manifestations Climat nous ont prouvé le contraire.
conduire, travailler, reconnaître un enfant mais pas voter ?
Alors oui, ils prennent leurs distances avec les partis politiques classiques, dans lesquels ils ne se sentent pas représentés, mais ils réinventent en parallèle leurs propres modes d’action : manifs, pétitions, happening, militantisme sur les réseaux, boycotts, etc.
Les jeunes entre 16 et 18 ans sont engagés politiquement mais exclus du processus démocratique (pas le droit de vote, pas le droit de se présenter). Alors qu’à côté de ça, ils peuvent conduire, travailler, reconnaître un enfant ou encore créer une association à 16 ans… Pas sûre que ce soient des actions moins engageantes que le vote, si ?
Les laisser voter dès 16 ans, comme le suggère l’UNICEF, c’est leur permettre de décider eux-mêmes de la société dans laquelle ils vont vivre. D’autant que ce sont eux qui y vivront le plus longtemps !
Réalisation et montage : Perrine Bontemps
Sources : Insee, Population par sexe et groupe d’âges, 2024 / FranceInfo, Résultats des législatives 2024 : âge, profession… Comment ont voté les Français ?, juin 2024 / Reporterre, Les enfants, des victimes de la crise écologique à protéger en urgence, novembre 2024 / Défenseur des droits, Le droit des enfants à un environnement sain : protéger l’enfance, préserver l’avenir, 2024 / UNICEF France, Vers une démocratie inclusive : intégrer la voix des enfants dans les décisions politiques, 2024 / Ina Société, Histoire droit de vote des femmes, 1994 / FranceInfo-INA, La majorité électorale, un vieux débat, 2020 / Salomé Saqué, Sois jeune et tais-toi, 2022 / Cnesco, Engagements citoyens des lycéens : enquête nationale, 2018 / France 3 Pays de la Loire, Nantes : 10 500 lycéens ont marché pour le climat, 2019 / Manès Nadel, La lutte ne fait que commencer ! – Discours du 7 septembre, 2024 / LCP, Greta Thunberg à l’Assemblée nationale, 2019