Référendums, démocratie en questions

Immigration, fin de vie, démocratie, le gouvernement semble vouloir interroger les français même si il ne sait pas encore sur quoi. Et pour ça, il pourrait ressortir un outil démocratique depuis longtemps délaissé : le référendum. Laissées au placard depuis 2005 et le référendum sur la Constitution européenne, ces questions posées directement aux citoyens permettent pourtant de s’exprimer sur des enjeux nationaux mais aussi locaux. Les Gilets jaunes l’ont remis au goût du jour en 2018 avec leur demande de RIC, référendum d’initiative citoyenne.

Depuis, beaucoup de maires s’y essaient et plus de 150 référendums locaux ont eu lieu depuis 2021. Paul Cébille a analysé ces usages et mis en lumière leur utilité dans un rapport publié par GénérationLibre. Il y détaille ces belles réussites en termes de participation citoyenne, de décision collective mais aussi d’éducation populaire. Pour lui, le référendum, c’est un grand oui.

Depuis quelques semaines, dans les médias, on parle beaucoup de référendums. C’est une question fermée, OUI ou NON, posée à une communauté : les habitants d’un village, d’un département voire tous les français. Une question qui est censée obligée les élus qui la posent à appliquer la décision du plus grand nombre. Et même si il en parle, l’Exécutif semble avoir assez peur de l’utiliser.

Ce ne sont pas les premiers à hésiter et c’est parce qu’il y a un passif à son utilisation. En 2005 a lieu le référendum sur la Constitution Européenne. A l’époque, le choix des français est clair : un « NON » franc qui n’a pas été respecté et la Constitution européenne a été adoptée. Un coup bas qui symbolise bien la fracture avec la classe politique et la démocratie représentative. Depuis, aucune question directe n’a été posée nationalement aux citoyens.

Des participations records

20 ans donc que cet outil de démocratie directe est laissé dans un tiroir, par peur de cette parole citoyenne. Du moins au national ! Localement, depuis le mouvement des Gilets jaunes et leurs demandes de Référendum citoyen, de plus en plus de maires tentent l’aventure. Plus de 300 référendums locaux ont été référencés ces 20 dernières années, dont la moitié depuis le Covid. Que ce soit pour l’ouverture d’un supermarché, l’installation d’éoliennes ou de caméras de surveillance. Une goutte d’eau à l’échelle du territoire qui devrait pourtant être une source d’inspiration, selon Paul Cébille.

Ce qui est très intéressant dans son analyse des référendums locaux, c’est que la participation varie selon les sujets abordés. Contrairement au national où l’immigration et l’insécurité sont des sujets centraux, ces sujets mobilisent peu localement. Plutôt à hauteur de 30%. Les questions techniques et d’aménagement du territoire parlent beaucoup plus aux habitants. Comme à Gresse-en-Vercors (Isère) où le référendum concernait l’installation de canons à neige. Un enjeu important pour ce domaine skiable et ses habitants, un enjeu qui mobilise : 80% de participation au référendum. D’autant que, alors que les associations écolos et le maire étaient plutôt contre ces canons à neige, les habitants en ont décidé autrement. Ce qui n’est pas anodin pour Paul Cébille.

Les référendums, c’est donc une belle réussite de participation « directe » des citoyens aux décisions collectives. Et quand on voit que l’abstention et la défiance envers la classe politique progressent partout, un tel outil de mobilisation est à valoriser. D’autant qu’il donne la parole à l’ensemble des citoyens. Y compris aux classes populaires très peu représentées dans nos institutions politiques.

L’info circule, le peuple s’éduque

Organiser des référendums est aussi l’occasion pour une communauté de débattre et d’échanger ensemble sur un sujet. Des discussions qui informent et donc éduquent les habitants, au-delà d’aider à prendre des décisions plus apaisées. Un moyen de cultiver la citoyenneté au sein d’une communauté d’habitants.

A Aurec-sur-Loire, le maire a mis en débat l’ouverture d’un Lidl. Les riverains devaient aller faire leurs courses très loin de leur domicile pour trouver des prix attractifs. Après beaucoup de discussions, y compris avec une association de réfractaires au projet, ils ont fini par accepter le supermarché. L’argument du pouvoir d’achat et de la concurrence a été central mais également les craintes écologiques ou les nuisances sonores. Un enjeu ultra local riche d’enseignement pour ses habitants. Un moyen de mieux comprendre, aussi, le travail d’une mairie.

Participation forte, éducation citoyenne, décisions collectives. Les Référendums cochent beaucoup de cases démocratiques. Mais alors, pourquoi si peu sont organisés dans nos communes ? Et bien, comme Macron, les maires sont frileux : ils n’ont pas envie d’être contraints par des décisions citoyennes ou que leurs projets, et donc leur autorité, soient rejetés. C’est d’ailleurs, depuis 2005, l’imaginaire politique sur les référendums : les français vont dire non à tout, par principe.

Apaiser les tensions locales

Ce qui ne correspond pas du tout à l’analyse de terrain de Paul Cébille qui y voit également un levier puissant pour les maires qui voudraient résoudre des problèmes avec les habitants, le conseil municipal voire l’Etat. Les maires sont très dépendants de décisions hiérarchiques de la Préfecture ou du national, du mille-feuille administratif français. Ces référendums peuvent donc parfois aussi aider ces élus locaux à imposer une décision citoyenne à leur « hiérarchie » territoriale ou à apaiser des tensions locales.

Ca a typiquement été le cas à Saint-Aignan dans le Morbilhan. L’installation d’une passerelle aérienne au-dessus de leur lac a créé de telles frictions que le maire élu en 2020, Gilles Cadoret, a démissionné. Son successeur a utilisé le référendum pour qu’ensemble, tout le monde tranche la question. Il a ainsi apaisé toutes ces tensions.

L’un des enseignements majeur de son rapport c’est l’importance de repenser la loi de 2003. Jugée trop lourde et contraignante par les élus, elle omet surtout une réalité rappelée par le mouvement des Gilets jaunes : le besoin de démocratie directe. Une piste d’amélioration, 20 ans après la débâcle du dernier référendum national, serait l’instauration de RIC : référendums d’initiative citoyenne. Que 5 ou 10% de la population puissent soumettre une requête au conseil municipal ou au gouvernement qui pourra alors organiser un référendum sur la question soulevée.

C’est déjà le cas en Suisse ou aux Etats-Unis où les citoyens ont pu se prononcer sur le droit à l’IVG par exemple. La plupart des Etats concernés ont ainsi décidé de protéger ce Droit attaqué au niveau national. Parfois même dans des Etats républicains, plutôt conservateurs.

Un cas d’école qui mérite, à l’image de ces centaines de référendums locaux français, de repenser notre usage du référendum et sa potentielle réforme pour en autoriser l’usage citoyen.

Réalisation et montage : Elliot Clarke