Dans le dressing de la démocratie

Voiles, cravates OU gilet jaune, parfois, l’habit fait vraiment le moine, et la démocratie. Chaque régime, chaque mouvement social et chaque personnalité politique a son propre style. À l’époque de la monarchie française, le luxe et les symboles religieux marquent la différence entre les nobles et le Tiers-États. Les régimes totalitaires, eux, préfèrent historiquement l’uniforme afin de gommer toute singularité. Mais, aujourd’hui, qu’est-ce que ça donne ?

Dans notre société, la mode est parfois utilisée pour passer des messages politiques. La reine Elizabeth II s’était ainsi habillée aux couleurs de l’Europe pour montrer son opposition au Brexit. En France, Emmanuel Macron porte des costumes sobres et élégants pour s’afficher comme leader. Mais, quand il part en campagne, il abandonne sa veste de costume et retrousse ses manches. On appelle ça le dressing down en anglais : s’habiller de manière décontractée. Pour Macron il s’agit de montrer qu’il est dans l’action. C’est aussi une manière de se montrer proche du peuple.

Parce que oui, la mode instaure parfois une distanciation entre les personnes au pouvoir, nos élus, et nous, le peuple. Même s’il n’y a pas de dress code à l’Assemblée Nationale, il existe quand même certaines règles. Signes religieux, uniformes et logos commerciaux sont interdits, comme l’explique 20 minutes. Nos élus peuvent donc à peu près s’habiller comme ils le souhaitent tant qu’ils gardent une certaine neutralité. Pourtant, la plupart d’entre eux portent des costumes cravate. Un “uniforme”, loin de celui que portent la majorité des gens au quotidien. Ça, c’est pour les hommes, mais pour les femmes députées ça se complique.

Le vêtement, symptôme des inégalités

En 2012, la ministre du logement Cécile Duflot avait reçu une flopée de remarques sexistes à l’Assemblée nationale pour avoir porté une robe à fleurs. Comme dans la vie de tous les jours, la mode féminine est très codifiée et stigmatise les femmes. On commente constamment ce qu’elles portent.

Sous couvert de neutralité, on perpétue ainsi une certaine image de la réussite et/ou des discriminations sexistes : pas de tee-shirts ni d’habits traditionnels, non plus, pour nos députés. Une image bien limitée de la représentation nationale.

La mode dans la classe politique et dans notre société, véhicule donc des inégalités sociales. S’habiller, ça coûte de l’argent, et bien s’habiller encore plus. Les classes moyennes ont un plus gros budget pour les vêtements que les classes populaires qui vont privilégier l’alimentation, selon l’Observatoire des inégalités. Et si on commence à parler du luxe, les écarts sont encore pires. Au-delà des vêtements, les évènements organisés autour du luxe sont faits pour marquer la différence entre les ultra riches et les autres. Un peu comme à l’époque de Louis XIV, le MET Gala et les Fashion Week invitent les personnalités les plus connues et les plus riches de la planète. Par exemple, une veste Chanel de la dernière collection de prêt à porter printemps/été coûte 9 700€. Un sacré budget.

Quand la mode fait la révolution

Mais si le vêtement peut stigmatiser et diviser, il peut aussi être au cœur des révolutions et luttes sociales. Pendant la Révolution française, le bonnet phrygien représentait la liberté. Une tradition héritée de l’Empire Romain : les esclaves affranchis recevaient un bonnet rouge pour marquer leur passage de sous-homme à citoyen. Plus récemment, c’est le gilet jaune qui est devenu un symbole de révolution, comme le soulève les Inrocks. Dans son usage commun, il est utilisé dans des situations d’urgence et dangereuse. Pendant le mouvement de 2019, il symbolisait l’urgence sociale pour le pouvoir d’achat des classes populaires. Un code de mobilisation qui a résonné partout dans le monde, au point d’être repris par Balenciaga.

La mode parait peut-être superficielle, mais elle en dit long sur nos sociétés et nos combats. Elle peut aussi cristalliser de grands débats ou des attaques aux libertés. Comme récemment lorsque Gabriel Attal a annoncé vouloir interdire le port du voile dans l’espace public aux filles de moins de 15 ans, lit-on dans Libération. S’attaquer aux vêtements c’est aussi s’attaquer aux cultures, à la différence, c’est pas pour rien que le même Gabriel Attal défend, depuis longtemps, l’uniforme à l’école.

La mode devrait être utilisée pour mettre en avant les singularités de chacun, plutôt que de les stigmatiser. De Louis XIV aux gilets jaunes, des députés aux femmes voilées, ce qu’on a le droit de porter ou pas reflète, en tout cas, l’état de notre démocratie.

Montage et réalisation : Flavie Roussel