Commissions d’enquête : tous convoqués !

Les commissions d’enquête ont récemment fait « le buzz » avec l’audition d’influenceurs controversés comme Alex Hitchens, AD Laurent ou Nasdas. Bayrou a également été auditionné au sujet de l’affaire Bétharram. Sans compter celle sur les violences sexuelles et sexistes dans le cinéma. Des instances parlementaires très médiatisées, contestées par les auditionnées, voire méprisées et dont on voulait éclaircir le fonctionnement.

Bayrou, Bolloré, Hanouna, Stérin, ils ont tous été convoqués. Mais, est-ce que vous savez vraiment par qui et pourquoi ? S’ils sont auditionnés, c’est dans le cadre de commissions d’enquête parlementaires. Un exercice systématisé sous la Vème République, et même constitutionnalisé en 2008. Il s’agit d’une commission temporaire au sein de l’Assemblée nationale ou du Sénat, qui accompagne donc le travail parlementaire. Elle permet aux élus de récolter de l’information et d’exercer un certain contrôle sur l’action du gouvernement, voire même de l’orienter par la suite (en faisant des recommandations ou en proposant de changer la loi par exemple). Comme ça a été le cas récemment avec la commission d’enquête TikTok et l’audition d’influenceurs comme Alex Hitchens à l’Assemblée nationale.

Respecter la séparation des pouvoirs

Les parlementaires peuvent s’intéresser à la gestion d’un service public, d’une entreprise nationale ou de grandes questions sociétales. Pour ça, ils convoquent différentes personnalités clés dans les domaines concernés, et mènent des auditions pour obtenir des retours d’expérience du terrain. Il y a une limite importante tout de même : respecter la séparation des pouvoirs. Aucune enquête parlementaire ne peut empiéter sur une procédure judiciaire en cours.

Pour créer une telle commission, il faut qu’un groupe parlementaire en prenne l’initiative. Parfois, ça peut être à la suite d’une enquête journalistique, comme par exemple avec les affaires Orpéa ou Betharram relatent Le Monde et l’Humanité. Et puis, pour confirmer la création de la commission, un vote est organisé. Pour les groupes d’opposition, ou ceux qui sont minoritaires, il existe aussi un « droit de tirage » : en gros, ils peuvent créer une commission d’enquête par an, sans passer par le vote. 

Ensuite, des élus de chaque groupe y siègent, désignés à la proportionnelle. Ils élisent ensuite le bureau, dans lequel la présidence ou le rapporteur doit être un membre de l’opposition. Bref, il faut que la commission soit à l’image des résultats des dernières élections, afin que les citoyens y soient représentés au mieux. Ce qui garantit un certain pluralisme.

La commission dure jusqu’à 6 mois, à l’issue desquels un rapport est rendu. Des recommandations, voire même une proposition de loi peuvent être formulées à ce moment-là, dans le but d’améliorer la situation étudiée. 

Des auditions obligatoires, sous peine d’amende

Ce dispositif parlementaire, c’est donc un contre-pouvoir de l’exécutif, en quelque sorte. Les élus cherchent notamment à voir si des mécaniques cachées ne pourraient pas porter préjudice au secteur observé. On a pu observer ça, par exemple, pendant la commission d’enquête sur la TNT en 2024. Ou encore de celles sur les violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. 

Lorsque les auditionnés, comme Vincent Bolloré, Cyril Hanouna, ou le producteur de cinéma Dominique Besnehard, sont convoqués au Parlement, ils ont l’obligation de s’y présenter. Ensuite, ils jurent de ne dire que la vérité. Pour ceux qui ne respecteraient pas ce serment, ou qui ne se présenteraient pas, le procureur peut être saisi. On attend de voir si ce sera le cas pour Pierre-Edouard Stérin, qui esquive, s’offusque LCP, la commission sur l’organisation des élections ces dernières semaines. La peine encourue pour ne pas se présenter, c’est deux ans d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Pour parjure devant des députés, on est à cinq années de prison et 75 000 euros d’amende…

Malgré ce cadre strict, il est important de préciser que les parlementaires ne sont pas des juges. Bon, ils peuvent saisir le procureur si certains faits qu’on leur a rapportés semblent nécessiter l’attention de la justice, mais ils ne sont pas là pour faire justice eux-mêmes. 

Ces commissions sont pourtant régulièrement qualifiées de tribunal politique. Alors que dans les faits, les procureurs ne sont pas systématiquement saisis après une commission d’enquête parlementaire. 

Des coups de projecteurs plus que des tribunaux

On parle aussi de tribunal médiatique, parce que certains temps forts, comme ceux que nous avons pu voir, sont par la suite massivement relayés dans la presse comme le souligne France Inter. Alors qu’en réalité, il s’agit simplement de porter le sujet à l’attention du grand public, comme ça a été le cas avec la commission sur les violences dans le cinéma, ou encore avec celle sur les violences dans les établissements scolaires par exemple.

Ces temps parlementaires servent aussi à remettre la parole de la société civile au cœur de la législation, de la fabrique des lois. Les informations et l’expertise apportées par les auditionnés est primordiale pour le travail parlementaire, et trop peu prise en compte en dehors des commissions d’enquête parlementaires justement. En plus, la composition à la proportionnelle de ces commissions permet la pluralité des auditions, des parcours, des expériences et des points de vue. Que ce soit du côté des élus, qui posent les questions, ou des personnes qui y répondent. 

Et c’est aussi l’un des rares pouvoirs de contrôle dont disposent les parlementaires, qui sont de base plutôt là pour proposer de nouvelles lois et approuver ou non les projets du gouvernement. Quand il ne sort pas un 49.3. Il s’agit donc d’un temps important et nécessaire pour une démocratie saine, si les limites et l’encadrement de ces commissions d’enquête parlementaire sont bien respectés.

Réalisation et montage : Perrine Bontemps