Assemblée citoyenne (4/4) – Clap de faim

Dernier épisode de notre série reportage sur l’Assemblée citoyenne et populaire de Poitiers. Et quel parcours ! Depuis octobre, citoyens, agents et élus réfléchissent ensemble à un projet ambitieux pour leur ville. Une thématique a été choisie à l’automne lors des deux premiers rendez-vous, puis il a fallu s’approrpier le sujet : l’accès à une alimentation saine et durable pour toutes et tous. Un 4ème week-end de travail a eu lieu en mars dernier pour cette petite centaine de Poitevins. Ils y ont élaboré et voté un projet de cuisine participative et solidaire à mettre en place d’ici 2026.

Résultat des courses ? « Cuisinons ensemble », un projet censé s’installer au quartier (prioritaire) Bel-Air à Poitiers. L’idée est de fédérer des gens en précarité alimentaire, des producteurs, des citoyens et structures engagées et de cultiver, récolter et partager ensuite des repas. L’occasion d’expérimenter une forme de solidarité par le faire tout en créant du lien social avec des habitants aux réalités éloignées.

Un projet élaboré tout au long d’un « hackathon créatif », encore et toujours modéré avec brio par les équipes de Fréquence Commune. Un week-end enthousiasmant pour certains, « trop chargé » pour d’autres mais réussi : agents, élus et citoyens ont réussi à définir des projets concrets et à en faire émerger un unique à financer par la mairie. Seule contrainte pour les habitants, respecter 5 critères : impliquer des personnes concernées, avoir un impact positif pour les personnes en situation de précarité alimentaire, rentrer dans l’enveloppe de 100 000€ et débuter avant 2026. Enfin, avoir un lien avec le développement de l’agriculture locale. Une belle réussite après ces quatre week-ends de travail.

Quelle place pour les élus ?

Cet épisode marque aussi, pour nous, l’heure du bilan de cette belle expérience de démocratie participative et d’éducation populaire. Au-delà d’un vote collectif et d’une écoute citoyenne, cette assemblée a aussi été un espace de formation populaire aux enjeux agricoles et alimentaires. Un des dispositifs d’assemblée citoyenne les plus aboutis en France qui a quand même suscité quelques réserves sur la dernière ligne droite. Des élus, à l’image de Julie Reynard, adjointe à l’économie et à l’agriculture, sont légèrement sceptiques sur cette dernière étape.

Il est vrai que, lors du vote « consultatif », donc juste avant le « vrai » vote, c’est la sécurité sociale de l’alimentation qui arrivait en tête. Et pour cause, ça faisait plusieurs rendez-vous que tout le monde travaillait pour ça. C’était presque la formulation de la thématique choisie au départ, lors du premier rendez-vous. C’est ensuite ce que tout le monde avait en ligne de mire en discutant avec les experts lors de la troisième assemblée.

A chaque étape, l’intitulé des discussions était reformulé par les équipes de la ville et de Fréquence commune pour élargir les possibilités de réflexion et d’action. Et, en soi, dans une assemblée de codécision avec élus et agents de la ville, pourquoi pas. Mais, sur la ligne d’arrivée, les élus n’ont pas totalement su garder leur place.

Des citoyens transformés

Pendant le débat, la maire Hélène de Moncond’huy et son adjointe Ombelyne Dagicour ont « averti » les citoyens sur l’expérimentation d’une sécurité sociale de l’alimentation (SSA). Sceptiques, elles ont orienté le vote final. Le prétexte était légitime : il serait difficile de mettre en place une « grosse » SSA. Pourtant, il en sera de même avec ces ateliers de cuisine collaboratifs ou tout autre projet limité à 100 000€. Plusieurs habitants anonymes, nouveaux et anciens participants nous ont ainsi partagé leur déception quand à la posture des élus juste avant le vote.

Une épine dans cette assemblée qui n’a pas assombrie le résultat du dispositif ou la fierté citoyenne dans le projet choisi.

C’est ce qui est toujours fascinant avec ces dispositifs : l’engagement citoyen dans les projets. A l’image de Patrick, ancien participant, revenu pour cette deuxième édition qui nous racontait que ces assemblées lui avait redonné confiance dans la politique. De la même manière, Alexia ne compte pas attendre la mairie pour s’engager avec d’autres citoyens dans le projet.

On valide donc absolument la démarche : les citoyens y ont un vrai pouvoir de décision et une montée en compétences, « Fréquence Commune » arbitre tout cela avec beaucoup d’objectivité et un projet coconstruit avec les équipes de la ville va bel et bien voir le jour.

Il reste à savoir si le projet viendra rejoindre et amender un budget déjà existant ou si le conseil municipal va voter cette nouvelle dépense lors de leurs délibérations en septembre 2025. Le jeu démocratique en valait la chandelle et tous les ingrédients étaient réunis pour faire de cette expérience, un bel exemple de démocratie participative. Une bonne recette pour la classe politique à l’aune des élections municipales.

Réalisation et montage : Elliot Clarke