Violences policières : réclamer Justice

La police tue. Ils s’appelaient Nahel, Adama, Rémi et Lamine et ils font partie des trop nombreuses victimes de crimes policiers. Ces usages disproportionnés de la force qui, dans les pires des cas, est souvent à l’abri des regards, entraînent la mort. Des violences ou des décès bien trop fréquents pour être considérés comme de simples accidents.

Le Réseau d’entraide Vérité et justice (REVJ), créé en 2021, fédère les familles endeuillées, survivants et collectifs de soutiens. Leur but : parler d’une même voix pour lutter contre les crimes policiers, les répressions, contrôles abusifs et le racisme dans l’institution. Et surtout donner des outils de lutte aux familles concernées. Edgar* et Fatou Dieng nous racontent leur combat pour la justice.

Edgar nous rejoint discrètement au milieu de la foule réunie à l’UEMSS (université d’été des mouvements sociaux et des solidarités) où nous avons rendez-vous. Il fait partie du collectif « Désarmons-les » qui milite pour une réforme en profondeur de la police mais plus globalement contre les violences d’Etat. Les violences policières bien sûr mais aussi les contrôles au faciès, le racisme systémique ou les violences psychiatriques et pénitentiaires. Son collectif, membre du Réseau d’entraide Vérité et Justice, tente de chiffrer ces violences, les armes policières et les ressources pour réagir face aux drames.

Les causes sont nombreuses pour le collectif qu’Edgar représente : armement disproportionné, techniques dangereuses et lois problématiques. Ce qui les pousse, au sein de ce réseau militant, à qualifier ces comportements policiers de violences systémiques. Elles ne seraient pas le simple fait de dérives individuelles, mais de problèmes globaux dans l’institution policière. Il mentionne notamment les LBD, grenades de désencerclement et canons à eau utilisés contre des manifestants, en quartier populaire ou dans les territoires dits d’outre-mer (colonisés selon lui). Il fustige également la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Une loi qui a validé et donc élargi l’usage de la force armée par les représentants de l’ordre.

Derrière les violences, le racisme

Edgar raconte aussi que, derrière ces violences, c’est le racisme qui empoisonne toute l’institution policière. Ce qui explique, selon lui, que la plupart des morts de crimes policiers sont tués en quartier populaire, pendant des opérations de police, par la BAC par exemple. Pour expliquer ces violences, on ne peut nier les connivences idéologiques entre la Police et l’extrême-droite. Selon un sondage du Cevipof, 60% des policiers ont voté à l’extrême-droite à la dernière Présidentielle. Un lien de causalité avec les violences et le racisme que tisse parfaitement Mediapart dans ses colonnes.

Et derrière ces dérives, beaucoup d’impunité que révèlent de plus en plus de médias, à l’image de Streetpress ou de Blast, mais aussi des associations comme Amnesty International France. Les collectifs comme le REVJ se battent au quotidien pour faire éclater ces scandales et réclament justice pour les familles concernées et les survivants. Ils travaillent également avec les populations concernées, en amont des violences, pour outiller un maximum de gens à ces drames potentiels.

Fatou Dieng nous rejoint sur ce constat glaçant. Elle ne le connaît que trop bien : son frère Lamine a été assassiné par la police en 2007 dans son quartier de l’Est parisien. Elle s’est battu pendant près de 13 ans pour réclamer justice pour son frère tout en élevant sa jeune fille, et malgré l’abattement du deuil familial. Des démarches longues et coûteuses pour cette famille qui aurait eu besoin des outils que le réseau d’entraide porte aujourd’hui pour réclamer justice. Même si ils étaient déjà bien conscients du traitement policier des personnes racisées.

La fin de la procédure, pas du combat

C’est finalement après une saisine de la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de multiples recours que l’Etat français clôturera le dossier « à l’amiable ». Une reconnaissance de responsabilité, sans pour autant condamner les policiers concernés. Une victoire en demie teinte pour la famille de Fatou.

D’où l’importance de ce réseau d’entraide : faire corps, se soutenir dans les épreuves mais aussi dans ce plaidoyer urgent mais difficile pour arrêter les crimes policiers. Echanger entre victimes, associations et soutiens à la cause est essentiel.

Des euros contre leurs armes

Le Réseau d’entraide Vérité et Justice a d’ailleurs besoin de soutien, avant tout financier, pour continuer à lutter. Fatou Dieng nous explique bien que, derrière la violence policière, une violence judiciaire et étatique poursuit ces familles et survivants dans leur quête de justice. Des démarches harassantes et très coûteuses pour des familles majoritairement issues des classes populaires.

Une cagnotte est en ligne pour financer l’association et ses membres sont à l’écoute de toute personne concernée ou intéressée à se former à ces procédures dramatiques.

L’histoire de Fatou Dieng, la longévité de son affaire et le drame qu’ils ont subi sont censés nous alerter sur ces pratiques policières mais aussi leur défense permanente dans l’institution et jusqu’aux plus hautes sphères étatiques. La tendance politique des dernières années n’augure rien de bon quant aux directives à venir, et dont on a déjà pu se rendre compte lors de notre reportage le 10 septembre lors du mouvement #BloquonsTout. Limiter l’usage de la force dès aujourd’hui est, plus que jamais, une question de vie ou de mort.

Article, réalisation et montage : Elliot Clarke