Devenir Français, mission impossible ? – 02/12/2025
Acquérir la nationalité française s’avère de plus en plus compliqué depuis quelques années. La loi a pris un tournant en 2025 quand, juste avant de quitter ses fonctions au gouvernement, Bruno Retailleau a de nouveau rehaussé le niveau de l’examen de naturalisation. Des conditions qui interrogent la définition de citoyenneté.
Devenir français s’annonce plus difficile que jamais. Dans son arrêté du 10 octobre 2025, Bruno Retailleau annonce les conditions du nouvel “examen civique”, destiné à “durcir les conditions de naturalisation » apprend-on sur BFM. Si jusqu’ici, l’examen n’avait pas de format type, il devient maintenant très académique. Seulement, si lors d’un partiel on exige d’un candidat qu’il obtienne la moyenne, pour obtenir l’examen civique, à partir du 1er janvier 2026, il faudra avoir 80% de bonnes réponses. Soit 32/40 réponses correctes.
10% des français testés n’ont pas la moyenne
Dans l’arrêté du 10 octobre, l’ancien ministre de l’intérieur en précise les conditions. Les 40 questions sont réparties autour de 5 thèmes : “Principes et valeurs de la République”, “Système institutionnel et politique”, “Droits et devoirs”, “Histoire, la géographie et la culture “, “Vivre dans la société française “.
De plus, jusqu’ici on attendait des candidats à la nationalité qu’ils maîtrisent un français de niveau B1, donc une compréhension basique et un niveau d’expression plutôt simple. Désormais, il leur faut avoir un niveau B2, un niveau de langue plus soutenu et plus technique. Si avant il était attendu du candidat qu’il soit capable de parler de sa journée, il doit désormais être capable de parler, voire de débattre d’une actualité politique.
En soutien, plusieurs associations vendéennes d’aide aux migrants, ont proposé à des volontaires de passer ce fameux examen de niveau B2 lit-on dans Ouest France. Lors d’une des sessions à La Rochelle, 10% des volontaires n’ont même pas eu la moyenne. Ils étaient pourtant tous « français de naissance ». Déjà, après le décret du 15 juillet 2025 de la loi “Immigration”, les modifications apportées au test avaient fait polémiques. L’oeil du 20h avait alors aussi organisé un test avec des volontaires. La moitié avait également échoué à l‘écrit.
Doit-on alors retirer la nationalité aux français qui ont échoué ? Bien sûr que non. Pourtant le but de cet examen est d’évaluer la citoyenneté des participants. Un changement de législation qui nous a poussé à nous interroger sur ce que signifie vraiment être citoyen.
Citoyen, ce n’est pas connaître la date de naissance de Napoléon
Selon le Conseil d’État, la citoyenneté est un “lien juridique et politique qui unit l’individu à la communauté nationale”. Un « pacte » qui repose sur l’adhésion aux principes fondamentaux de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité, ou encore la laïcité. Néanmoins, au-delà du statut juridique, le Conseil d’Etat souligne l’importance d’une « participation active à la vie démocratique et civique de la Nation« . D’autant plus, au niveau local où l’intégration dans la communauté est essentielle pour être considéré comme un citoyen.
En 2022, l’association Empreintes citoyennes a mené une enquête auprès de 600 maires sur leur définition de la citoyenneté. Parmi eux, un peu moins de 7% seulement définissent le citoyen par son statut, donc une personne de nationalité française et de plus de 18 ans. Et plus de 56 % considèrent qu’être citoyen, c’est avant tout respecter les biens, les personnes, et les lois. Autrement dit avoir des droits et des devoirs.
Donc connaître la date de naissance de Napoléon, ou savoir citer tous les fleuves de France, c’est bien joli, mais ce n’est pas essentiel. Voter ou participer à la vie collective de sa commune sont des critères bien plus pertinents. Certains pensent même que le fait de travailler, payer ses impôts, et d’habiter longtemps dans un pays, suffisent à mériter la nationalité. D’ailleurs, il y a un concept qui reprend ces conditions, on vous en parlait l’année dernière : la domocratie. Une idée qui interroge le droit de vote des étrangers aux élections locales en prônant une forme de « citoyenneté de l’habitat » par exemple.
Rejet systémique de l’autre
Ce n’est vraiment pas la tendance politique du moment : de nombreuses lois compliquent l’accès aux titres de séjour des étrangers. Le prétexte utilisé : “limiter le nombre d’étrangers en France”. Pourtant, plusieurs rapports de l’INSEE, rapportent une baisse du taux de naturalisation ces dernières années, passant de 137 452 en 2008 à 103 661 en 2024.
Ces mesures sont présentées par certains partis politiques comme la seule façon de protéger les valeurs de la République. Pourtant elles participent à l’exclusion de personnes, désireuses de s’intégrer en France. Ce cloisonnement est la preuve évidente d’un rejet politique de l’autre, mais surtout d’une vision erronée de la citoyenneté.
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Réalisation et montage : Justine Kouassi
