Assemblée citoyenne (3/4) : savoir décider
Contrairement à ce qu’en dit généralement la classe politique, quand on demande aux gens de prendre des décisions collectives, ils proposent des idées et solutions pertinentes. Le tout, c’est de bien les accompagner dans la thématique.
C’est ce qu’on essaie en tout cas de suivre depuis quelques mois à Poitiers dans notre série sur l’Assemblée citoyenne et populaire. Dans l’épisode précédent, les participants, tirés au sort ou volontaires, avaient décidé ensemble, et en bonne intelligence du sujet à traiter dans l’Assemblée. Leur choix ? L’accès à une alimentation saine et de qualité pour toutes et tous. Voire la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentaire.
Lors de la 3ème réunion, l’enjeu était donc former et d’éduquer les citoyens à la thématique choisie lors des précédents rendez-vous. Est-ce que manger sain ça veut dire bio ? Consommer plus local c’est mieux ? Quel lien entre banque et gaspillage alimentaire ? Vaste et complexe sujet ! Surtout pour décider de ce qu’il faut appliquer pour la ville. Prendre des décisions collectives c’est avant tout comprendre le problème choisi, le champ des possibles pour le résoudre et les différents acteurs et actrices du territoire. C’est pour cela que les organisateurs ont invité de nombreux intervenants à venir éclairer les participants. Des échanges toujours supervisés par Fréquence Commune.
Une réunion plus passive et informative pour les participants qui ont rencontré sociologues, agriculteurs, distributeurs et associations pour pouvoir décider, au mieux courant mars, d’une grande mesure pour la mairie de Poitiers. A l’image de Raymond Demiot, membre de la Confédération paysanne et exploitant agricole.
« Les assemblées, citoyennes ou non, qui parlent d’alimentaire, font peu appel aux gens qui la produisent. Donc, nous, agriculteurs, on est là parce qu’on est directement concernés par la question. Et puis, la précarité alimentaire, nous, on n’y connaît rien. Nos clients ne sont pas bénéficiaires, c’est donc aussi l’occasion de rencontrer ces usagers de l’aide alimentaire. De mieux comprendre avec qui on veut commercer. » Raymond Demiot, paysan-exploitant
Raymond a longuement expliqué son travail, ses problèmes et les enjeux de renouer le lien entre la minorité agricole et la majorité des consommateurs, essentiellement urbains. Il en a profité pour également répondre aux questions des participants à l’Assemblée. Un échange social et culturel important pour cet exploitant de la Vienne. Ca a tout de suite emballé Stéphanie, habitante/participante depuis le début de l’Assemblée, pourtant réfractaire à la thématique.
Digérer l’info
Elle a particulièrement apprécié l’échange entre Michel Pinçon de la banque alimentaire de la Vienne et Vincent de Guittare, dirigeants de centres Leclerc à Poitiers. Ils représentaient deux maillons essentiels du circuit alimentaire, de la résolution de la précarité. Et elle a beaucoup appris de leur rencontre, à l’image de la centaine de participants à cette nouvelle édition.
« J’ai compris que la précarité alimentaire n’est pas liée qu’à un problème d’argent mais aussi à tout le lien social qu’il y a autour. Qu’il fallait aller chercher les gens pour lutter contre cette précarité. Plein de choses qui sont en train de germer, là, dans ma tête ! » Stéphanie, participante à l’Assemblée
Comme le dit Stéphanie, il y a, en effet, beaucoup d’infos à digérer pour les participants. Les intervenants étaient nombreux mais aussi les associations invitées spécialement par la mairie à participer aux discussions. Ça s’est d’ailleurs beaucoup senti dans la salle : beaucoup plus d’acteurs de la thématique étaient présents, comparé aux précédentes éditions. Et malheureusement, moins d’habitants, tirés au sort ou non. Un déséquilibre fortuit, qu’on espère ponctuel, pour le bon fonctionnement du dispositif, et qui n’a pas empêché tout ce petit monde d’échanger.
Une caisse solidaire, c’est possible
Parce que, comme le dit Raymond, il ne s’agit pas seulement de venir défendre sa paroisse, son métier mais aussi de mieux comprendre l’écosystème associatif, les bénéficiaires de l’aide alimentaire et la position des élus.
« Nous venons expliquer mais aussi entendre les attentes de l’Assemblée. D’autant qu’il y a plein de choses que, nous agriculteurs, on avait pas appréhendé. On a rencontré quelqu’un du CCAS de Poitiers, les acteurs sociaux, les difficultés qu’ils rencontrent, les budgets qui diminuent. On cherche à connaître un peu mieux dans quel monde on se trouve. » Raymond Demiot, paysan-exploitant
Mais Raymond, il y croit. Il pense vraiment qu’avec une vraie volonté de consommer plus sain et plus durable, une volonté politique de respecter le droit universel à s’alimenter, on peut y arriver. Son objectif rêvé : la mise en place d’une caisse solidaire ou d’une caisse locale de sécurité sociale de l’alimentaire. C’est ce que Pauline Scherer, sociologue intervenante, a réussi à mettre en place à Montpellier, et qu’elle a raconté à l’Assemblée. Des interventions qui reflètent les réalités du terrain, les freins politiques ou économiques et donnent des perspectives aux participants pour la dernière session les 14 et 15 mars 2025.
Après l’écoute et la digestion des infos, il va falloir proposer une solution pour l’Alimentation. Une codécision entre citoyens, agents et élus sous forme de hackathon. Une sorte de compétition par équipe pour décider de LA mesure qui devra être soumise au conseil municipal et donc aux élus. Dernier épisode à venir de notre série sur le sujet sur l’Assemblée citoyenne et populaire de Poitiers.
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Réalisation et montage : Elliot Clarke