1000 cafés : protéger la vie de village – 23/10/25
Dans les zones rurales, les petits commerces sont en train de disparaître, et avec eux, les espaces de cohésion sociale. Le combat de l’association 1000 cafés : préserver voire rouvrir ces lieux de sociabilité. Avec leur aide et celle du maire du village, deux commerçantes ont repris un café à Cottance, dans la Loire. Dernier commerce de ce village de 750 habitant-es et lieu essentiel du vivre-ensemble.
À Cottance, petit village de Loire, il y a de la joie ! Dans l’établissement repris il y a deux ans, les rires vont bon train. Charlotte et Sandra ont repris le Cottance Café, et le village les adore. Il faut dire qu’avant l’arrivée des deux femmes, le restaurant multi-service a vu s’enchaîner les gérants pendant une dizaine d’années. Puis, l’association Les amis du café a assuré le service, difficilement. Si aujourd’hui le commerce a trouvé deux locataires permanentes, c’est grâce à l’association 1000 cafés, créée en 2019 à la suite du mouvement des Gilets jaunes.
Cet organisme s’est donné pour objectif l’accompagnement et le maintien des petits commerces dans les communes de moins de 3500 habitants. Car si les bistrots ou restaurants sont légion dans les grandes villes, en zone rurale, ils sont en voie de disparition. En un siècle, 9 cafés sur 10 ont fermé, passant de 500 000 en 1900 à 40 000 en 2024. Les campagnes sont les plus touchées : deux zones rurales sur trois n’ont plus de commerces, ni de restaurants. Cottance n’a pas échappé à ce sort. “Il y a 40 ans, il n’ y avait que 499 habitants.” se remémorent des gens du village, “et pourtant, il y avait 3 cafés, plusieurs boulangeries et même une usine de pain.”
Entre le maire et 1000 cafés c’est un match
Alors quand Jacques de Lemps, le maire de Cottance, contacte 1000 cafés par l’intermédiaire du député du secteur, on peut dire que c’est un match. Il comprend tout de suite qu’ils sont sur la même longueur d’ondes : le but premier n’est pas tellement la création d’un commerce que l’ouverture d’un lieu de rencontre, moteur de lien social. Et c’est un pari réussi.
“On organise des réunions publiques, des ateliers avec les présidents des assos. L’idée, et c’est un enjeu, c’est de faire en sorte que les habitants deviennent des acteurs du projet.” Kévin Magne, responsable de plaidoyer pour 1000 cafés
Ce succès, Kevin Magne, responsable de plaidoyer chez 1000 cafés l’explique par l’implication des habitants du village. L’objectif de l’association est de faire participer la communauté en mettant “autour de la table à la fois les habitants, les municipalités et les futurs porteurs de projets”. Et pour que ça marche, leur implication commence en amont de l’ouverture. “On organise des réunions publiques, des ateliers avec les présidents des assos. L’idée, et c’est un enjeu, c’est de faire en sorte que les habitants deviennent des acteurs du projet.” C’est d’ailleurs comme ça qu’est née l’Association des Amis du Café.
Remettre le café au milieu du village
S’ils n’assurent plus le service à plein temps, les membres de cette dernière ont toujours un rôle important, celui d’organisateur d’événements. “C’est important dans un village de créer de la vie, confie l’une des gérantes. Mais ça prend du temps.” Les Amis du Café se chargent donc d’organiser les fêtes, de trouver des groupes pour les concerts, de chercher des financements. Elles remplacent même Sandrine et Charlotte quand elles prennent des congés.
Le Cottance Café est donc un projet géré par le village, pour le village. Ateliers de couture, séances de cinéma en plein air… Tous les coups sont permis pour ramener la population du village au bistrot. “L’enjeu chez 1000 cafés est de faire revenir tous les types de population.” Tous, y compris les seniors, souvent la partie de la population la plus isolée. Aujourd’hui, au niveau national, l’association s’enthousiasme qu’un senior sur deux ait trouvé une nouvelle personne ressource qu’il n’avait pas dans son cercle grâce aux enseignes créées. 96 % des interrogés considèrent également qu’ils se sentent mieux dans leur quotidien depuis cette initiative.
Un rempart contre l’isolement ET l’extrême droite
Par ailleurs, selon un rapport de l’institut Terram, les communes de 2000 habitants et moins sont celles où le RN a les meilleurs résultats (plus de 40% lors des législatives de 2024). Cela peut s’expliquer par le départ des jeunes, qui partent étudier ou chercher du travail dans les grandes villes, laissant derrière eux une population vieillissante, souvent aux valeurs traditionnelles. Mais aussi et surtout par la méfiance provoquée par l’isolement et le repli sur soi. L’étude montre ainsi que plus il y a de commerces, plus le vote pour l’extrême droite diminue. Heureusement, à Cottance, il y a encore le café.
“Dans un village, quand les gens veulent voir quelqu’un, ils vont au café !” Malou Tricaud, retraitée
Parmi les retraités qui le fréquentent, il y a Malou Tricaud, l’ancienne gérante de l’établissement. Aujourd’hui, elle est ravie d’y revenir en tant que cliente. Elle est surtout ravie de voir qu’il y a encore un lieu vivant à Cottance : “Dans un village, quand les gens veulent voir quelqu’un, ils vont au café !” C’est elle qui, pendant 27 ans, a dirigé le seul commerce du village jusqu’à sa retraite en 2013. Pour son plus grand plaisir, la mairie n’a jamais laissé le village sans café. Et les deux nouvelles gérantes font l’unanimité.
Pour le Maire, cette cohésion citoyenne et associative est avant tout symbolique. Il est heureux que les habitants aient compris l’intérêt que représente une telle activité dans leur village. “Ce commerce, c’est celui des gérants, mais c’est aussi le leur. Il sera ce qu’ils en feront”.
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Réalisation et montage : Raphaëlle Vivent // Article : Justine Kouassi
